Si l’âge d’or du funeral doom finlandais est aujourd’hui révolu, il existe encore des flagellants qui perpétuent cette école de la douleur.
Shades Of Deep Water appartient à cette race de groupes déprimés, héritiers d’une longue tradition et de Shape Of Despair en particulier dont les premières offrandes matricielles ont en grande partie figé les codes d’un genre blafard dont la beauté éthérée le rapproche finalement plus de l’ambient que du pur doom metal. Projet d’une seule créature répondant au nom de J.H. (initiales de Juho Huuskola), cette entité se montre aussi paresseuse que sa musique puisque, succédant à « Waterways » en 2013, « Death Thresholds », n’est que son deuxième album longue durée en treize ans de carrière ! De nombreuses démos et EPs ont toutefois remplis une discographie qui prend aussi rare que précieuse. Certes, l’homme n’invente rien, dévidant avec application et sincérité le credo du doom funéraire léché par les eaux glacées des lacs septentrionaux. Comment d’ailleurs ne pas songer à Shape Of Despair dès les premières notes égrenées par le Finlandais ? Mais quel plaisir (masochiste) pourtant de s’abîmer dans les méandres léthargiques de ces complaintes engluées dans la mélancolie !
Quatre pistes dilatées, oscillant entre neuf et douze minutes environ, tissent une toile dont chaque fil est une corde destinée à être passée autour du coup. Constituant les parties successives d’un menu compact et par nature indivisible, elles érigent de fait un bloc de tristesse aux allures de bathyscaphe qui s’enfonce peu à peu dans les profondeurs aquatiques ténébreuses et crépusculaires. Caverneux, le chant résonne comme un sonar lointain tandis que la rythmique bat comme le pouls d’un corps que la vie s’apprête à déserter. Les claviers ont quelque chose d’un ressac funèbre. Quant à la guitare, elle trace d’entêtants sillons, phare pétrifié guidant les pèlerins dans la nuit. Bercé par une houle mortuaire, l’ensemble dessine avec pâleur un art d’une lenteur ankylosée qui gronde d’une force instrumentale souterraine, à l’image d’un troisième pan que des accords grêles et des coups de boutoir poussent dans l’abîme granitique d’un inexorable désespoir. Mais comme toujours avec ce genre doloriste, sous l’écume suicidaire se cache une beauté déchirante, laquelle culmine lors d’une dernière partie engourdie par la mort. Lancinante marche funèbre sans espoir de retour, « Death Thresholds » est l’expression d’un funeral doom authentiquement finlandais, plongée sinistre et belle dans un éther mélancolique. (26.06.2019)
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