Fait désormais assez rare pour être noté à une
époque où règne plus que jamais le conformisme, Seremonia possède depuis
toujours une place résolument à part au sein de cette nébuleuse mêlant chant de
prêtresse et effluves psychédéliques. Sans doute son origine géographique, le
pays des mille lacs, n'est-elle pas étrangère à cette singularité, les textes
en finnois ainsi que cette sensibilité
forestière teintée d'une poésie froide, participant d'une personnalité aussi
unique qu'attachante qui doit beaucoup de son charme, enfin, à la voix étrange
de sa vestale Noora Federley, qui résonne comme un écho lointain. Trois
offrandes ont déjà coulé sous les ponts depuis 2012, esquissant un univers de
plus en plus évolutif dans son expression d'un rock coloré aux pigments des
seventies. Toujours aussi productif, le groupe revient cet automne avec
« Pahuuden Äänet » dont le nom, qui signifie en anglais « voices
of evil », souligne à nouveau la douce noirceur de cette partition dont
les trais certes bien marqués ne l'empêchent pas de se renouveler à chaque
fois, par petites touches pointillistes. Alors que son prédécesseur,
« Kristalliarkki » laissait entrevoir des velléités franchement
progressives, à l'image de son diptyque éponyme dont le premier segment
voisinait avec le quart d'heure de musique, on serait tenté au départ de
rapprocher ce quatrième opus d'un « Ihminen » (2013) plus direct,
seuls deux de ses pistes franchissant la barre des cinq minutes. En réalité, il
suit à son tour, son propre chemin au tracé sinueux, certes confortable pour le
fidèle quoique toujours perturbé par une folie sourde, tapie dans les replis de
sa chair intime. Ecartant d'ordinaire les lèvres avec un titre très court,
Seremonia lance cette fois-ci l'écoute avec un 'Orjat', qui compte parmi les
compos les plus longues – et les plus jouissives - du menu, lente plainte
avalée par une brume spatiale qui l'entraîne aux confins d'un trou noir. Après
cette entame du feu de dieu, des pulsations plus accrocheuses ('Sielun
Kuolema', 'Me Kutsumme Sitaä') bien que toujours rongées par l'acide ('Uusi
Aamu Sarastaa' et son orgue tordu), en côtoient d'autres (bien) plus
expérimentales, de 'Riivatut' que berce une houle psychédélique à 'Ne Ovat Jo
Täällä', pourvue d'une curieuse amorce un peu jazzy et tout du long secouée par
des coups de boutoir fiévreux et cosmiques, sans oublier ce 'Riudut Ja Kuolet'
où s'accouplent flûte sombrement boisée et vocalises sentencieuses d'une poésie
obscure avant de décoller vers les étoiles avec un solo lumineux. Les
Finlandais continuent de travailleur leur art et se fendent avec
« Pahuuden Äänet » d'un album délicieux, glacial et généreux tout ensemble,
aventureux et toujours détenteur de cette identité aussi unique que précieuse. 3.5/5 (2016)
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