En quelques mots : Pour la première fois depuis Sierra torride, Clint Eastwood partage l’affiche d’un film avec une
autre star de son calibre et n’est qu’en second au générique. Mais Un monde parfait ne représente pas cette
rencontre au sommet que beaucoup attendait, les deux acteurs n’ayant finalement
qu’une scène en commun, et à la fin qui plus est. Et comme souvent avec
Eastwood, le film n’est pas ce qu’il a l’air d’être sur le papier. Après quelques plans faussement paisibles de Kevin
Costner étendu dans l’herbe, et dont on ne comprendra la signification que lors de
la conclusion de l’histoire, Un monde
parfait débute par l’évasion de deux prisonniers, suivie de la prise
d’otage d’un petit garçon. Mais très vite à la chasse à l’homme annoncée, menée
par un vieux Texas Ranger secondé par une jeune criminologue et un tireur du
FBI, Clint Eastwood préfère se concentrer sur la relation filiale qui se noue
entre l’évadé (Costner) et l’enfant. De fait, le film prend l’allure d’un
road-movie forcément initiatique pour les deux compagnons. Ils ont en commun
d’avoir tout deux été privés de père. Pendant quelques heures, Butch Haynes
fera en quelque sorte office du père absent pour le jeune Phillip dans lequel
il a l’impression de se revoir enfant. La famille, que l’on a ou que l’on a pas
eu, constitue donc le cœur de cette ballade désenchantée dans l’Amérique rurale
des années 60 et de ses paysages immenses et intemporels. Durant leur périple,
ils vont croiser différents types de père : un bon (Bob) mais aussi un
mauvais (le fermier qui les recueille pour une nuit). Le moment où ce dernier
frappe son fils marque symboliquement le tournant du récit. A la vision du
film, on ne peut que songer à Honkytonk
Man, avec lequel il partage nombre de points communs : relation père –
fils, road-movie à travers l’Amérique, fin tragique pour le père de
substitution. Il y a également ce thème très fort qui, comme celui de la
famille, parcourt une bonne partie de l’œuvre du cinéaste (que l’on songe au Maître de guerre ou plus encore à Million Dollar Baby), celui de la
formation et de la transmission. Au contact de Butch, Phillip apprendra plus de
choses qu’au sein de sa famille de Témoin de Jéhova, tout comme le jeune Whit
avec son oncle Red dans Honkytonk Man.
Un monde parfait se double enfin d’un
autre parcours, moins original, celui du Texas Ranger et de la criminologue. Si
au début l’entente entre Red Garnett (Eastwood) et Sally Gerber n’est pas des
plus évidentes, peu à peu un respect mutuel va se construire entre les deux. La
mort de Haynes qu’ils n’ont pas pu empêcher les rapprochera encore davantage. Kevin Costner livre probablement sa meilleure
interprétation et les scènes qu’il partage avec le jeune T. J. Lowther se
révèlent être des moments pleins de poésie et d’émotion. Avec sa coupe de
cheveux et son rôle de bagnard en cavale, il a quelque chose de Humphrey Bogart
dans High Sierra de Raoul Walsh
(1941). Il traduit bien la complexité de Butch qu’il rend très vite attachant.
Partagé entre l’ombre et la lumière, c’est un héros comme les affectionne
Clint. Suite au succès de Bodyguard
l’année d’avant, l’acteur est alors au faîte de sa gloire et la Warner, en
l’associant à Clint Eastwood, qui vient quant à lui de triompher aux oscars
avec Impitoyable, espère bien obtenir
un carton au box-office. Peine perdu, Un
monde parfait est un échec aux Etats-Unis. En revanche, il fait de très
bons scores dans le reste du monde, notamment en France. Comme il avait refusé
la mort de Clint dans Les proies en
1971, le public refuse cette fois-ci celle de Costner (mais acceptera plus tard
celle de Hilary Swank dans Million Dollar
Baby), ceci expliquant l’échec du film. En dépit d’un final un peu long bien que très émouvant, Un monde parfait demeure une
incontestable réussite à mettre encore une fois au crédit de Clint Eastwood,
lequel, avec intelligence s’efface derrière sa co-vedette et refuse l’action à
tout prix, préférant privilégier l’émotion et des personnages passionnants.
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