Avec
ses trente ans de carrière sous le bras, on ne présente plus Ozric Tentacles,
groupe unique en son genre puisqu'il a su créer un style qui n'appartient qu'à
lui, ensorcelante mixture instrumentale
à base de progressif, de space rock, de jazz fusion et saupoudrée d'une
pincée de Dub et de Psyché. Fidèles à cette signature dont ils ne se
départiront jamais, les Anglais sont donc reconnaissables entre mille. Les
mauvais langues ne manqueront pas d'affirmer que leurs galettes (quinze à ce
jour) se ressemblent toutes un peu. Pas faux, mais au moins est-ce l'assurance
de ne jamais être vraiment déçu. Pourtant, il serait inexact de prétendre
qu'Ozric Tentacles n'a pas évolué depuis ses débuts en 1983 et que ses albums
sont interchangeables. Preuve en est avec "Technicians Of The
Sacred", offrande miraculeuse riche de subtiles nuances. De fait, si
"The Yumyum Tree" puis "Paper Monkeys" n'apportaient rien
de neuf, se contentant de creuser le sillon de "The Floor's Too Far
Away" qui reste à ce jour un des mètres étalons de nos hippies
britanniques, ce nouvel opus surprend très agréablement, comme si ses géniteurs
avaient profité de ces quatre années de silence pour se régénérer et ce
faisant, renouer avec une sève créatrice qui commençait donc quelque peu à se
tarir. Plus inspirés que jamais donc, ceux-ci nous gratifient même, et pour la
première fois depuis "Erpland", d'une double ration de musique,
frôlant les quatre-vingt-dix minutes au jus ! Tout cela pourrait être
roboratif, pudding difficile à digérer, mais conserve pourtant une incroyable
fluidité, une légèreté cosmique. Comme toujours, l'œuvre s'envole très haut
vers des sphères célestes. Certes, le terrain est connu, comme en témoigne 'The
High Pass', amorce facile bien qu'enchanteresse, pleine de ces rondeurs si
caractéristiques, de ces boucles répétitives et enveloppantes, toutefois, ce
menu pantagruélique est émaillé de légères évolutions qui le rendent des plus
rafraîchissants, toujours aussi limpide. Celles-ci sont à chercher du côté de
ces chœurs qui semblent surgir de nulle part, tel une oasis de lumière, à
l'image de 'Butterfly Garden' ou de 'Changa Masala'. Par ailleurs, si dans le
passé, les Anglais ont régulièrement puisé dans cette palette, les couleurs
orientales s'affirment cette fois-ci d'une manière plus nette encore, baignant
l'album dans une forme de spiritualité chatoyante, laquelle explose durant
'Epiphlioy', sans doute le point d'orgue et le plus long titre d'une écoute qui
invite à la transe chamanique. Sitar, flûte, volutes comme échappées d'une
chicha sont convoqués pour un voyage aux confins d'un rêve aux teintes
bigarrées. Décollage garanti, assuré par des musiciens à la virtuosité
tranquille, parmi lesquels l'indéboulonnable Ed Wynne dont les lignes de
guitare stratosphériques bourgeonnent de toute part, jaillissant en un geyser
d'harmonie(s). Bref, les fans du groupe ne seront pas dépaysés, quant aux
autres, ils passeront leur chemin, comme d'habitude, hermétiques à ce trip
psyché hors du temps et des modes. Tant pis pour eux ! 4/5 (2015)
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