Actif
depuis la fin des années 80, Paradise Lost pourrait aspirer à une retraite bien
méritée. Mais les Anglais ne sont pourtant pas pès de se retirer dans un
caveau. Pourquoi le feraient-ils d'ailleurs, poursuivant une œuvre exemplaire
qu'aucun faux pas n'est jamais venu assombrir, pas même lors de leur période la
plus commerciale (c'est-à-dire la moins Metal). Mieux, quand certains de leur
génération se contentent d'envoyer une carte postale de temps à autre, les gars
d'Halifax vont jusqu'à besogner ailleurs entre deux albums. C'est surtout le
cas de deux d'entre eux - et pas des moindres - soit le chanteur Nick Holmes et
le guitariste Greg Mackintosh, respectivement associés à Bloodbath et
Vallenfyre. Nous aurions pu croire que le fait d'assouvir leur soif de death
metal avec cette activité extra-conjugale leur suffirait, laissant leur
principal port d'attache forger cet art gothique fixé depuis longtemps. Or,
"The Plague Within" témoigne au contraire que ces racines extrêmes
font désormais plus qu'affleurer à la surface, comme c'était le cas autrefois,
conférant à ce quatorzième opus une dureté minérale retrouvée. Si Paradise Lost
ne renoue bien entendu pas avec la brutalité sévère de ses débuts, tissant
toujours une toile aisément identifiable ('Return To The Sun'), il n'en demeure
pas moins que ces dix nouvelles compositions affichent une noirceur tranchante ('Punishment
Through Time' et ses attaques presque thrash) plus affirmée que sur les
derniers disques, quand bien même ceux-ci incarnaient déjà le retour à des
motifs plus heavy. En fait, la grande différence réside dans le chant de Nick
Holmes, plus sombre et âpre qu'à l'accoutumée, comme si la récente
collaboration avec Bloodbath avait redonné envie au bonhomme d'exploiter un
registre abyssal abandonné depuis longtemps, comme l'illustre 'No Hope In
Sight', amorce tout d'abord étonnante par ses atours abrupts avant de revenir à
ces aplats typiques du groupe. Grand bien lui en a pris tant sa performance,
tour à tour (plus) caverneuse ou mélodique, est pour beaucoup dans la réussite
d'une offrande comme toujours impeccable, agrégat de tableaux au format ramassé qui sont autant de toiles de maître
où tout est pensé jusque dans les moindres détails, à l'image des arrangements,
discrets mais superbes ('An Eternity Of Lies'). Aux côtés du chanteur, Greg
Mackintosh, secondé par l'indéboulonnable Aaron Aedy, sculpte dans la roche
froide ses riffs suintant un profond désespoir dont il a le secret, véritable
vigie obsédante perçant un épais rideau de brume. Macérant dans le jus d'un
doom austère ('Beneath Broken Earth'), le menu surprend parfois par son
agressivité inattendue, témoin ce 'Flesh From Bone' que perfore néanmoins de
pesantes crevasses. Citons aussi 'Cry Out' que cisaillent également ces
attaques entêtantes reconnaissables entre mille. Il est intéressant de voir
comment les Anglais, quand tant d'autres semblent porter sur leurs épaules le
poids du temps qui passe, gagnent au contraire au fil des années en puissance,
en intensité, en noirceur, glissant tout doucement et de plus en plus, dans les
profondeurs de la Moria... Au final,
prétendre que "The Plague Within" se révèle être encore une fois un
excellent cru tient du pléonasme et qu'il peut concourir au titre de meilleur
album de l'année, aussi ! 4/5 (2015)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire