Alors
qu'il lui était fidèle depuis ses débuts, Hexvessel a quitté Svart Records,
label au sein duquel il était pourtant parfaitement à sa place, entre Sammal,
Seremonia et Uhrijuhla, pour rejoindre le giron du plus puissant Century Media.
Si, après le succès de Grave Pleasures (ex Beastmilk), l'autre groupe du chanteur
Matt McNerney, plus connu sous le sobriquet de Kvohst, ce choix peut sembler
naturel, il est tout de même permis de se demander s'il est vraiment opportun
sinon judicieux pour un projet aussi singulier de sceller une alliance avec une
écurie d'une telle dimension alors que l'art des Finlandais de part sa nature
aussi précieuse qu'intimiste parait
devoir conserver une aura de mystère, de trésor connu d'une poignée. Pour
autant, devions-nous réellement craindre une perte d'identité voire
d'inspiration, possible corollaire de ce changement contractuel ? Cette troupe
bigarrée est trop intelligente pour cela. Est-ce à dire toutefois que sa
signature n'a pas évolué depuis le EP "Iron March", publié en 2013 ?
Non plus. De fait, malgré l'étiquette psychedelic Forest Folk accolée "When We Are Death", cette
seconde offrande se révèle bien différente de sa devancière, "No Holier
Temple", voyage à la fois progressif et quasi chamanique à travers la
sente contemplative d'une forêt mystique. L'absence au menu de ce nouvel opus
de longues échappées résume bien un glissement vers une musique moins
évolutive, d'un abord plus direct et tout simplement plus rock quoique elle se
pare toujours de teintes étranges et bucoliques. Bien sûr, à elle seule, la
voix puissamment émotionnelle de Kvohst suffit à arrimer l'album à ses deux
aînés, tant celle-ci demeure reconnaissable entre mille. Mais, aux atmosphères
forestières, "When We Are Death" préfère répandre un tapi soyeux
d'effluves seventies voire même sixties, à l'image de 'Mushroom Spirit Doors'
par exemple. Hantée par un orgue volubile, véritable clé de voûte de l'édifice
au même titre que les lignes vocales, l'oeuvre déroule une variété de traits
comme de touches qui peut de prime abord surprendre sinon décontenancer. Rien
que les trois premiers titres renvoient une impression dépareillée, morcelée,
entre l'étonnant et pulsatif 'Transparent Eyeball' dont les notes de claviers
nous basculent d'emblée plus de quarante ans en arrière, le curieux 'Earth Over
Us', qui mêle ambiance feutrée, trémolo façon crooner à la Chris Isaak et
guitare nourrie au psychédélisme antédiluvien ou 'Cosmic Truth', respiration
déchirante de beauté d'une touchante sobriété en dépit d'arrangements superbes,
que hantent des notes de piano grêles. Clairement, l'opus a quelque chose d'un
puzzle dont les diverses pièces s'imbriquent peu à peu et non sans difficulté.
Eclatée, ce n'est qu'une fois achevée que l'image d'un ensemble finalement
harmonieux quoique déglingué, prend forme et vie, une vie teintée d'un
douloureux désespoir, à l'image du poignant 'Teeth Of The Mountain'. Plus
l'écoute avance, progresse vers une fin qu'on devine funèbre ('Hunter's
Prayer'), plus cette tristesse envahit l'espace, parfois légère ('Drugged Up On
The Universe' aux claviers magnifiques), parfois plus anesthésiante ('Green Gold').
Et bien qu'il ait évolué, mu(t)é, Hexvessel conserve toute sa singularité. (2016)
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