On
l'attendait celui-ci, ce premier album de Grift, duo suédois, devenu depuis
entité onanique, remarqué il y a deux ans grâce à un EP séminal et prometteur.
Inutile de tourner autour du pot plus longtemps et osons affirmer que Syner
fait plus que confirmer un potentiel dont on mesure aujourd'hui qu'il n'avait
été qu'effleuré par l'inaugural Fyra Elegier puis par le split associant ses
auteurs à Saiva et offert plus tôt dans l'année, lesquels tissaient un Black
Metal dans la belle tradition mélancolique, classique certes bien que séduisant
dans son lustre sinistre. Avant même de plonger dans les replis de sa sombre
intimité, on se doutait déjà que cette offrande serait à la hauteur de
l'attente et des espoirs suscités par ces préliminaires. Il y a déjà cet écrin
visuel d'une lugubre et terreuse beauté, promesse d'un contenu délicieusement
dépressif, errements solitaires empreints de tristesse à travers un paysage
désolé figé par une brume hivernale. Surgissent ensuite les premières mesures
de 'Aftonlandet', que pose un clavier sinistre. Lancé par cette longue
plainte de plus de huit minutes, "Syner" s'ouvre donc sur les
meilleurs auspices, alternant tempo enlevé, chant hurlé et arpèges
mélancoliques. Relativement plus resserrées, les cinq pistes suivantes
maintiennent une belle qualité d'écriture, rarement agressives, exception faite
de 'Det Bortvända Ansiktet' et, quoique dans une moindre mesure, de 'Eremiten
Esaias' dont le rythme soutenu se pare d'oripeaux entêtants avant de mourir sur
les mêmes notes lugubres sur lesquelles l'écoute a démarré, le plus souvent
engourdies, grésillant d'un inexorable désespoir. C'est le cas de 'Svältorna'
irrigué par des lignes de guitares touchantes comme un chat qui dort en boule.
Vient le tour du curieux 'Slutet Hav', d'une noble épure instrumentale, hanté
par ce clavier dont les sonorités mornes sont la signature du Suédois. Lui
succède enfin 'Undergörare', pulsation étonnante où s'enchaînent introduction
intimiste, riffs pollués d'une majesté suicidaire, solo dépouillé au lustre
déchirant et choeurs solennels. En définitive, Grift réussit magistralement
avec "Syner" l'étape du premier album longue durée, affirmant au
passage une réelle personnalité, à la fois mélodique et dépressive, belle et
sinistre. (2015)
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