Pourquoi perdre du temps à chroniquer une démo
tape de six minutes à peine ? Pourquoi perdre donc du temps à écrire sur
Atrament, jeune pousse semble-t-il assez énervé ? En fait, les raisons
sont multiples. Que cette petite cassette soit publiée chez Sentient Ruin
Laboratories, un de ces nombreux labels dont la valeur est inversement
proportionnelle à leur modeste dimension, en constitue une première et pas des
moindres, chacune de ses productions étant l'assurance d'un bon coup de massue.
Que ce groupe américain compte dans ses rangs le chanteur d'Abstracter, soit
une des formations les plus prometteuses du blackened doom US, en
est une seconde, précieux indice par ailleurs quant à la teneur forcément noire
et nerveuse, tendue et apocalyptique, de ce signe de mort inaugural, quand bien même les deux groupes
différent par une écriture diamétralement opposée, l'un crachant sa semence à
la vitesse d'un adolescent boutonneux, l'autre préférant sculpter des
compositions au format démesuré. Voilà.
Six minutes, deux titres aux allures de ruminations écorchées, c'est peu, bien
entendu, mais néanmoins suffisant. Suffisant pour se faire racler les chairs en
profondeur. Suffisant pour juger du potentiel sans doute encore à peine défloré
d'Atrament qui n'a pas besoin de plus pour esquisser au burin un art
douloureux, qui saigne un désespoir sourd et haineux. La démo écarte ses cuisses avec
'Consumed'. Tempo effréné, voix rugueuse comme siphonné avec du Destop, le
morceau a quelque chose d'une saillie entre Hardcore halluciné et crust granitique, crachat quasi
punk dans son urgence viscérale. Il
en va de même de 'World Of Ash', nihiliste et épidermique, qui vibre d'une
énergie atrabilaire. Plus ramassé encore, il se distingue cependant de son
devancier par les lourdes perforations qui viennent en briser la véloce
linéarité. Bref, si cette tape
laisse dans la bouche un goût de trop peu, comment d'ailleurs pourrait-il en
être autrement avec une si maigre durée, Atrament reste un groupe à suivre dont
on guettera avec intérêt les prochaines manifestations de négativité qui, on
l'espère, viendront confirmer cette bonne impression... (2015)
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