Si nous avons désormais tendance à nous méfier de l’addition post
rock + instrumental, combinaison au mieux belle à pleurer, au pire ennuyeuse,
ce qu’elle est malheureusement de plus en plus souvent, ce n’est bien entendu
pas le cas lorsque Cecilia::Eyes, l’un des plus remarquables artisans de ce
style, livre une nouvelle offrande à la face du monde. Offrande aux allures de
messie en l’occurrence car après un assourdissant silence de cinq trop longues
années, affirmer que « Disappearance » était très attendu tient du doux
euphémisme. Mais à son écoute et nonobstant les incontestables qualités de
ses prédécesseurs dont le mémorable « Here Dead We Live », on mesure que les
Belges ont sans doute eu raison de prendre leur temps afin d’élaborer cet opus
comme un véritable bijou d’orfèvrerie, terme finalement inapproprié dans ce
qu’il renvoie d’images froides et mécaniques là où au contraire l’émotion
pointilliste est privilégiée. En effet et plus que jamais, l’art de
Cecilia::Eyes se veut impalpable, presque diaphane sinon spectral. Plus
intimiste et cotonneux également, visant une sorte d’épure admirable. Un
sustain fragile suffit ainsi à procurer plus de frissons que toute une armada
d’instruments, à l’image de ce ‘Defaut Descent’ bouleversant, lequel démontre
si besoin en était encore la science de la progression dont le groupe est passé
maître depuis longtemps. Car, malgré leurs atours volontairement
minimalistes, ces compositions se révèlent toujours aussi dynamiques que
pulsatives, s’appuyant sur un socle rythmique terreux et hypnotique à la fois
(‘Lord House Rise’). Pourtant, jamais les traits, bien que parfois assez durs
(‘Isolated Shower’), ne s’emballent vraiment, surtout pas lorsqu’on croit
qu’ils vont le faire, un peu comme si le groupe s’amusait à repousser le plus
longtemps possible une éruption qui ne viendra finalement pas
(‘Reign’). Bref, en dépit de la durée des titres et leur caractère
instrumental et introspectif, « Disappearance » ne cesse tout du long de
passionner, touchant l’âme autant que le coeur, brouillant les cartes, passant
d’un shoegaze teinté d’amertume (‘Bellflowers’) à un rock atmosphérique
crépusculaire aux confins de l’ambient (‘Swallow The Key’). Avec l’intelligence
et la sensibilité que nous leur connaissons, les Belges distillent par petites
touches des détails qui sont autant d’inestimables trésors. C’est délicat et
élégant, toujours juste et d’une apaisante beauté. « Disappearance » est-il le meilleur album de Cecilia::Eyes ?
Il est fortement permis de le penser car il renouvelle, transcende même, le
style du groupe pour aboutir à un matériau d’une rare pureté. 3/5 (2015)
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