6 juin 2014

Krönik | Fange - Poisse (2014)



Si l'habit ne fait pas toujours le moine, il arrive pourtant parfois que cela soit le cas, et que le contenu soit à l'image du contenant. Preuve en est avec Poisse, premier rôt de FANGE, qui a déjà comme mérite de ne pas avancer masqué, s'offrant à nous avec tel qui est l'est viscéralement :  sauvage, primaire, brutal et sans concessions ni artifice. C'est d'ailleurs bien ce qu'on espérait y trouver, appâtés par ses attributs évocateurs de quelque chose de dégueulasse, de poisseux (forcément). Bref, FANGE, c'est du trapu, du qui racle la peau tavelée de croûtes purulentes, du qui sent le sperme et la sueur, une espèce de sludge épidermique  qui aurait copulé avec de la Harsh noise. Ca dure une trentaine de minutes, durée normalement trop courte néanmoins ici amplement suffisante. Suffisante car une telle tension, une telle urgence ramassée, suintent de ces six crachats, que venir à bout de ceux-ci tient presque de l'exploit, du chemin de croix que l'on achève à genoux, hésitant à vouloir tendre la joue gauche, celle de droite présentant de douloureux et durables stigmates. Suffisant aussi pour se rendre compte que FANGE n'est pas le jouet d'une bande d'amateurs bruitistes, réunion de musiciens expérimentés que cimente l'ambition de forger  une masse sonore aussi intense qu'abrasive. Si la présence de Benjamin Moreau d'HUATA n'étonne pas tant que cela, celle du batteur de BRAIN PYRAMID, Baptiste Gautier-Lorenzo, surprend davantage, le Stoner de son port d'attache étant à des années-lumière de ce sludge crapoteux. Cette maîtrise rend l'art du groupe plus effroyable encore, plus dérangeant. Résultat, Poisse se veut un concentré survolté de haine primitive, de fiel au goût de sang menstruel. Aucune lumière ni pause salvatrice ne viennent jamais laver cette chair corrompue, gonflée d'une noirceur vicieuse. Les guitares hurlent, le chant dégueule un flot incompréhensible, s'accouplant en une saillie sale et bordélique, sous l'oeil torve d'une rythmique terreuse et déglinguée. Tendue comme une verge boursoufflée et sillonnée de veines remplies de pue, l'album a quelque chose d'une chape de plomb qui s'abat brutalement, sans laisser aucun répit, appuyant sur l'interrupteur  pour assommer l'espace de ténèbres visqueuses. Loin d'en étouffer la puissance organique, les tempos spéléologiques abîment l'ensemble dans les profondeurs du malsain, témoins "Cloches fendues" et surtout l'interminable "Suaire" dont les 8 minutes hallucinées mettent les nerfs et la patience à rude épreuve. On ne sort pas indemne d'un tel album, EP séminal qui sur scène devrait être le théâtre d'un rituel aussi ferrugineux que chaotique. Poisse est une expérience. (cT14)


Sludge Metal | Cold Dark Matter Records | FB





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