30 mars 2014

KröniK | Impure Wilhelmina - Black Honey (2014)




Si additioner Suisse et post hardcore tient quasiment du pléonasme tant le nombre de groupes de là bas pratiquant ce genre là se compte par palettes entières, il ne faudrait pas que ceux qui ne le connaissent pas - ou alors que de nom - pensent qu'Impure Wilhelmina n'est qu'un collectif énervé de plus, lui qui fut l'un des pionniers de ce style il y a maintenant presque vingt ans déjà. Gravé en 2005, "L'amour, la mort, l'enfance perdu" figure parmi les pierres angulaires de cet édifice sévère et douloureux. Si son successeur publié trois ans plus tard, "Prayers And Arsons" n'a pas que des adeptes, c'est néanmoins parcouru de frissons que l'on accueille aujourd'hui ce "Black Honey" venu presque de nulle part car on ne l'attendait plus vraiment. Miraculeux, ce quatrième album ne manquera pas de surprendre autant le puceau qui découvrira ses auteurs, étonné par les atours (faussement) mélodiques de cette nouvelle cuvée, que l'amateur que la prédominance du chant clair déstabilisera à coup sûr. C'est la grande nouveauté de cette offrande. Certes, celui-ci a toujours été un  élément du son du groupe mais à doses plus homéopathiques, disséminé au milieu de vocalises colériques. Remisant au vestiaire le registre écorché, Michael Schindl privilégie ainsi des lignes plus calmes, trouvant même dans cette tessiture fragile et délavée un désenchantement en parfaite adéquation avec une musique qui reste quant à elle toujours aussi mélancolique. De prime abord interloqué par ce chant presque éthéré, on finit vite par le trouver à sa place, rompant qui plus est avec les standards du Post hardcore où la logorrhée fielleuse est trop souvent de mise. L'oeuvre y gagne une singularité certaine. De toute façon, Impure Wilhelmina a toujours eu quelque chose de bien à lui, indéfinissable et pourtant essentiel. "Black Honey" en témoigne encore une fois. Mieux, ce dernier tient même du paradoxe. De fait, alors qu'il aurait dû paraître plus facile d'accès, il est finalement tout le contraire, bloc imposant d'une linéarité trompeuse à l'intérieur duquel couve en réalité une tension souterraine qui semble constamment à deux doigts d'exploser sans jamais vraiment y parvenir, à l'image par exemple du terminal 'God Rules His Empire', longue pulsation d'une violence rentrée dont les ultimes mesures gravitent dangereusement au bord de la rupture. L'inaugural "The Enemy" suffit à illustrer cette ambivalence empoisonnée, titre à l'architecture plus complexe qu'il n'y parait, baigné dans une pale lumière, au chant certes accessible mais que polluent constamment des guitares ferrugineuses prisonnières d'une roche d'une noire intensité. Mais, tout indivisible, à l'instar de ses aînés, l'opus ne peut être émietté, quand bien même ses titres d'une durée raisonnable inviteraient à le faire. C'est dans sa globalité minérale qu'il s'appréhende et ne peut s'apprécier. Et lorsqu'on croit en avoir fait (enfin) le tour, il y a toujours un détail qui surgit, vicieusement, obligeant à se replonger dans ce menu qui envoûte autant qu'il laisse derrière lui un malaise. Avec "Black Honey", Impure Wilhelmina s'est donc réinventé, accouchant d'une oeuvre maîtresse qui fera date, belle et dérangeante à la fois, douloureuse et intense. (cT14)


Post Hardcore | Hummus Records | FB



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