5 mars 2010

KröniK | Burzum - Belus (2010)




Quelques secondes. Oui, quelques secondes, celles qui ouvrent « Belus' Død » suffisent à effacer les quatorze années séparant Filosofem, sa dernière oeuvre black metal de cette huitième offrande de Varg Vikernes, long tunnel durant lequel le Norvégien gravera derrière les barreaux et avec le peu de moyens mis à sa disposition les seuls Dauði Baldrs et Hliðskjálf. Depuis ce dernier en 1999, la chance d’entendre un nouveau Burzum semblait de plus en plus improbable. En outre désormais privé de claviers, l'homme donnait l’impression de ne plus se sentir concerné par la musique, préférant cultiver une conscience idéologique et politique qui a gagné au fil du temps de l’importance dans son cœur. Or dès sa libération en 2009, tout s’emballe et très vite l’enregistrement d’un nouvel album est officialisé. Pour autant, l’enthousiasme face à cette information n’est alors pas forcément de mise. Ainsi, l’excitation se mêle à la méfiance. Quelle en sera donc la teneur ? Du black metal, de l’ambient comme sur les deux derniers opus ? Un peu des deux ? Les questions demeurent, d’autant plus que le communiqué que le musicien poste sur son site quelques mois avant la sortie n’est pas pour rassurer tous ceux qui espère un retour aux sources et craignent par-dessus tout un disque dans la veine électronique qui si elle a pu aboutir à des moments de tristesse infinie (essentiellement sur Dauði Baldrs) a surtout enfanté deux œuvres inégales. Bref, au mieux, nous étions nombreux à nous attendre à une œuvre bipolaire. La (bonne) surprise n’en est que plus grande. Guidé par une inspiration dont nous étions nombreux à penser qu’elle l’avait en partie déserté, Varg livre un très grand disque de black metal ni passéiste ni moderne mais tout simplement éternel et fidèle à sa légende. Bien que thématiquement proche de ses deux prédécesseurs, Belus se veut plus atmosphérique qu’ambient. De même, si « Belus’Død » a des faux airs de « Dunkelheit », l’album ne saurait néanmoins être réduit à une resucée de ses aînés les plus anciens. Certains esprits jamais contents le regretteront. Comme ils  trouveront que Burzum a perdu ce son pollué qui autrefois le caractérisait. Peut-être. Mais bien que la production soit plus propre, plus claire, le Norvégien n’a rien perdu de son aura sonore, témoin les vibrations grésillantes libérées par ses riffs tout du long d'un menu impeccable. D’ailleurs, on reconnait immédiatement la signature de Vikernes, ce son si particulier, cette façon souvent imitée et jamais égalée de répéter un même accord pendant de très longues minutes, cette manière d’emplir l’espace, de faire surgir les instruments. 


Après une courte introduction, l’album s’ouvre avec le sombre « Belus’s Død », complainte sinistre et lancinante qu’irrigue un riff obsédant. Le décor est posé, la légende noire, intacte. Durant ces six minutes, on se croirait presque revenu quinze ans plus tôt, impression néanmoins infirmée par le chant désormais plus caverneux et evil et par les titres suivants. A commencer par le long et hypnotique « Glemselens Elv » où le musicien démontre toute sa maîtrise du canevas minimaliste qui sait pourtant toujours creuser des cicatrices profondes dans la mémoire. Le titre débute par une longue entrée en matière qui tournoie, avant que la voix du maître des lieux ne surgisse. Celui-ci se pare par moment d’un chant clair et solennel étonnant. Puis se succèdent trois morceaux rapides comme un torrent en crue et certainement les plus black metal que Vikernes ait écrits depuis très longtemps. « Kaimadalthas' Nedstigning » alterne émanations écorchées et pauses suspendues au-dessus du vide durant lesquelles Varg se transforme en narrateur, « Sverddans », court et transpercé par un solo bien speed et enfin « Keliohesten », propulsé par un riff magnifique et qui annonce l’élévation finale où Belus accède au rang de chef-d’œuvre définitif. Le tempo se fait alors plus lancinant, plus hypnotique aussi, comme lors de la première partie. Celui qui s'impose aujourd'hui comme une influence majeure y donne une leçon et démontre que personne, absolument personne ne lui arrive ne serait-ce qu’à la cheville en terme de composition et d’ambiance, comme l’illustrent les cinq dernières minutes de « Morgenrøde » durant lesquelles un même accord est répété à l‘infini. Burzum  y exsude plus de tristesse que toutes les discographies réunies de ces hordes qui prétendent sonner toujours plus suicidaire que le voisin. L’enchaînement avec « Belus' Tilbakekomst» vous donne des frissons. Cette dernière piste entièrement instrumentale confine à une forme de transe. Encore une fois, avec un sens de l’équilibre qui n’appartient qu’à lui, le Norvégien joue sur la répétition durant près de dix minutes, complainte monumentale d’une pureté admirable qui meurt tout doucement. Et quel son ! Ecoutez les vibrations que produit sa guitare et après cela vous ne pourrez plus affirmer qu'il a perdu son âme quelque part dans sa cellule. L’homme a évolué et son art avec lui, mais son talent et sa vision de la musique demeurent intact. Il faut être  sourd pour ne pas s’en rendre compte. Bien peu le croyaient encore capable d’accoucher une telle réussite. Il l’a pourtant fait. Belus est tout bonnement le meilleur album que Burzum pouvait créer aujourd’hui, ni inférieur ni supérieur à Lvis Lyset Tar Oss ou Filosofem, auxquels certains ne manqueront bien entendu pas de le comparer, mais tout simplement unique. Belus est une œuvre qui se suffit à elle-même. Soyez-en sûr, Burzum est de retour. On mesure combien le black metal dont tous les autres Grands Anciens ont peu à peu mis de l’eau dans leur vin de messe, avait besoin de lui. Même si Varg ne se sent plus aucune affinité avec le genre tel qu’il est actuellement, ce que l’on ne saurait lui reprocher, il n’en demeure pourtant pas moins qu’il est désormais l’un des seuls à entretenir ce qui forme l’essence de cette chapelle impie. Indispensable. (2010 | MW) ⍖⍖⍖⍖

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