Avec sa troisième échappée, le problème n'a pas bougé d'un iota pour Russian Circles depuis son aîné d'un an, Station. Ainsi, si vous ne connaissez pas le groupe et le découvrez donc avec Geneva, alors vous trouverez cet opus certainement très bon (ce qu'il est, intrinsèquement). En revanche, si vous êtes de ceux qui ont été introduit avec Enter dans l'univers intime des Américains, vous estimerez, à raison également, que ces derniers donnent l'impression, sinon d'avoir tout dit dès leur galop d'essai au moins d'être désormais prisonniers d'une recette, néanmoins excellente. Plus réussi que son prédécesseur, Geneva déroule donc un schéma connu d'avance, à savoir ce post doom metal instrumental sécrétatoire d'une mélancolie vaporeuse ou plus rugueuse. Ca commence même très bien car d'une manière plus tendue avec les deux pulsations que sont "Fathom", encadrée par une batterie pesante et irriguée par les secousses de guitares ferrugineuses et "Geneva", plus abrupte qui débute en une montée en puissance fiévreuse et transpercée d'un break convulsif.
Mais à partir du long "Melee", Russian Circles renoue avec une trame plus atmosphérique, plus post rock, malgré un durcissement du trait en fin de parcours qui explose en un final douloureux mais jouissif. Toujours aussi chargée de tristesse, la guitare nous guide au milieu d'images grisâtres qui défilent comme les paysages aperçus à travers la fenêtre d'un train. Après un "Hexed All" qui n'apporte pas grand chose, le trio délivre avec "Malko" un titre plus ramassé, qui charrie des riffs obsédants avant que l'encéphalogramme s'emballe avec cette accélération inattendue qui l'entraîne dans un magma terminal au bord de la rupture. Ecrit à l'encre noir du désespoir, "When The Mountain Come To Muhammad" navigue dans des eaux plus calmes. Plus troubles aussi. Enfin "Philos", du haut de ses dix minutes au compteur témoigne encore une fois de la capacité de ses auteurs à graver des progressions qui n'explosent jamais vraiment et qui percent dans cette masse électrique des ouvertures grisantes. A la fois lourd et atmosphérique, contemplatif et tendu, le groupe a cette faculté intacte d'envahir l'espace en un sustain qui se démultiplie. Un bon disque au final lequel assoit la personnalité de Russian Circles qui fait partie des rares groupes à rendre passionnant une musique instrumentale par ce sens du relief sans lequel elle serait redondante. (2010) ⍖⍖⍖
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