20 février 2010

KröniK | Krallice - Dimensional Bleedthough (2009)




L'accouplement fiévreux entre Black Metal et musique progressive pourra paraître bien improbable à certains, les deux genres se positionnant chacun à un bout du spectre sonore. Pourtant, on ne compte plus les groupes qui tentent dans la froideur de la nuit de se faire chevaucher ces deux corps. Que Krallice soit de ceux-là n'étonne pas car avec des membres essentiellement issus des sphères du metal progressif extrême (Gorguts) ou pas (Dysrhythmia) ou du Drone (Byla), on se doute bien que lorsque de tels musiciens décident de frotter leurs instruments d'une insolente vigueur technique à l'art noir, ce ne sera pas pour faire du Darkthrone ! Néanmoins n'allez surtout pas croire que les Américains font dans le point de croix ou dans la dentelle. Certes, ca joue bien, ça bave de partout avec moult breaks et cassures, mais il est permis de respecter les Tables de la Loi du genre sans être inféodé à celles-ci. Et qui pourrait prétendre que Dimensional Bleedthrough, seconde offrande des Ricains, n'est pas un concentré d'intensité brutale ! On pense même à Burzum à travers les sécrétions désespérées libérées par l'instrumental anonyme qui précède la démentielle conclusion de l'album. 

Reposant sur des titres très longs (exception faite de la saillie "The Mountain") en forme de labyrinthe (le dernier voisine même avec les 20 minutes au compteur !) à l'architecture complexe riche en polyrythmie, ce pavé massif est du fait difficile à appréhender. Son extrême densité, la sévérité de ses contours rendent l'édifice très chargé, trop peut être argueront les mauvaises langues ou quelques ayatollahs. Ces compositions sont comme des blocs imprenables aux multiples couches ("Monolith Of Possession"). L'entame est souvent longue ("Dimensional Bleedthrough", "Aridity") et les ramifications, nombreuses. Toutefois, le chant, comme biberonné au Destop, honore les canons de cette chapelle impie, même s'il se voit souvent phagocyté par les autres instruments. Les guitares, furieuses et abrasives ("Intraum"), sont coulées dans une macération mélancolique épaisse qui confère à l'ensemble une beauté grise et déchirante. Ecoutez les riffs qui fissurent le titre éponyme ou l'écrasant "Autochton" pour vous convaincre de la tristesse minérale qui ruissèle de leurs courbes viscérales. On pourra juger Dimensional Bleedthrough trop long (pas loin de 80 minutes), usant sur la durée, le groupe donnant l'impression de vouloir remplir jusqu'à la gueule ses compos et estimer que le Black Metal, ce n'est pas ça. Peut-être bien. Mais, aussi généreuse que monstrueuse, la matière que grave dans la pierre Krallice possède une tension hallucinante. Il y a vingt ans, on parlait de Techno Death. Et si les Américains venaient d'inventer le Techno Black ? Dans tous les cas, on tient avec cet album en tout point supérieur à son aîné d'un an seulement, une pièce maîtresse d'un art noir évolutif mais néanmoins pétrifié d'ondes noires. (2010 | MW) ⍖⍖

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