10 janvier 2010

KröniK | Treha Sektori - Sorieh (2009)




Quelques minutes seulement suffisent pour être happé dans un univers claustrophobique aux confins de l'horreur, pour installer un climat de fin du monde étouffant. Quelques minutes. Celles que durent l'ouverture de Sorieh, première secousse longue durée de Treha Sektori. Noir c'est noir et cette oeuvre au souffle vicié et humide évoque une espèce de mortification oppressante ; elle forme une dérive dans un tunnel sépulcral qu'aucune lumière ne vient jamais éclairer. Treha Sektori vient d'accoucher d'un monstre, vagin crépusculaire abritant des images, mieux des flashs cauchemardesques volés à une vie naufragée. Chaque piste est une séquence perturbante dont on ne sort pas indemne. Sorieh pénètre les plis tout à la fois organiques et désincarnés  d'une coulée ambient abyssale qu'il déchire, broie, concasse par le biais du chevauchement de strates sonores qui plongent dans un humus sinistre.  La trame gangrène tout l'espace alentour et prolifère avec un goût de rouille mêlé de stupre. Ce ressac vous envahi, vous emporte dans un trou noir. C'est une masse grouillantes d'effluves noires, sulfureuses qui fouaille les entrailles, un kaléidoscope avalé par l'obscurité qui se ressent, se vit plus qu'il ne s'écoute. Parfois un murmure qui résonne comme écho lointain incompréhensible vient souligner ces modelés torturés saignés par des machines, par des bruitages inquiétants. 

Vouloir individualiser ces plages semble absurde tant celles-ci ne constituent qu'un bloc unique et opaque que fissurent par moment de parcimonieuses percées salvatrices bien que toujours ténébreuses ("Solva Entera"). Car on touche là du doigt tout le paradoxe de cette musique parce c'est bien de musique qu'il s'agit : faire peur, déranger mais qui irradie aussi une beauté immense. Souterraine peut-être ("Reasiah. Rehenerah. Resoreh", récif noir d'un quart d'heure envoûtant et hypnotique qui confine à l'orgasme apocalyptique et faussement introspectif) mais néanmoins trippante. Sorieh sécrète également un mal être douloureux qui en fait un golgotha infini que l'on gravit sans espoir de retour. D'une dimension rituelle évidente, cet opuscule, peinture d'une décrépitude terminale, est un diamant noir dans les reflets duquel il convient de s'abîmer seul en fermant les yeux, en s'enfermant sur soi-même dans la pénombre de son esprit. Un premier album et un coup de maître pour ce projet mystérieux à suivre de très près... au risque de se perdre... Et encore une sortie essentielle de la part du jeune label Kaosthetik (Caithness, Aere Aeternus...). La bande-son de notre propre fin. (2009) ⍖⍖⍖

 

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