21 décembre 2009

KröniK | Prön Flavürdik - Opus 3 The Motown Years (2008)




Dans l'absolu, accoucher d'une seule et unique piste avoisinant les quarante minutes en guise d'album n'est pas difficile. Exercice naguère réservé aux explorateurs du son, il n'est pas rare aujourd'hui de voir de modestes formations tenter l'aventure. Ce qui l'est bien davantage par contre est d'accoucher d'un seul BON titre ! Prön Flavürdik lui a réussi cette gageure. 

Dans l'absolu, enfanter également un magma où baignent toutes sortes d'influences n'est pas bien difficile. Eviter le piège de l'agrégat maladroit de divers strates qui se chevauchent plus qu'elles ne s'imbriquent les unes aux autres, l'est en revanche, là aussi, bien davantage ! Et encore une fois, il convient de saluer l'insolente réussite de ce trio normands (dont l'âme de Teluhmetar) qui, avec sa première exploration parvient à tanguer sur une ligne très fine séparant le grand n'importe quoi et la Révélation. 

Il y a quelque de chose de malade dans le royaume de Prön Flavürdik. Opus 3 The Motown Years. Rien que ce nom est révélateur du contenu... par son caractère décalé. Reposant sur un socle quasi instrumental, cette plage ne ressemble a rien de connu. Sans limites, le groupe déflore des terres encore marquées  par la virginité. A l'intérieur de ces plis obscures grouille un monstre à plusieurs visages : doom psyché, drone hallucinant, dérives jazzy acides... 

Cela pourrait tourner à vide et se contenter de remplir quarante minutes avec divers bruitages. On en est loin car malgré l'aspect évidemment expérimental de la chose, Prön Flavürdik sait demeurer cohérent au sein de ce pandemonuim orgiaque qu'il dirige avec un sens précis de la trajectoire. Il nous emmène quelque part. Si nous ne savons pas bien où, lui le sait parfaitement. 

Aux confins d'une cacophonie néanmoins contrôlée, les premières minutes semblent n'avoir aucun sens. Mais peu à peu le titre gagne en substance tandis qu'il s'enfonce dans une armure rythmique pesante, quand bien même une folie prolifétrice continue de ronger l'ensemble. Puis, guitares et son d'orgue seventies surgissent pour s'accoupler fiévreusement. Des alluvions drone commencent alors à s'empiler et une ambiance proche de la transe écarte ses cuisses libérant un flot hypnotique qui envahit l'espace de longues minutes durant. Le groupe joue sur le sustain de notes répétées à l'infini. Quelques percussions, qui d'abord murmurent, grossissent progressivement, montent en puissance. 

Un nouveau pan débute, plus progressif antédiluvien avec un Hammond dégoulinant à la Jon Lord (Deep Purple) mais jouissif. On est parfois pas loin d'une sorte de space rock complètement barré qui ensuite mute en psaume liturgique que soulignent des lignes vocales robotiques passées dans un filtre. La performance meurt, balisée par une batterie militaire, sur un substrat drone, rituel cosmique d'une étrange beauté. 

Opus 3 The Motown Years est une oeuvre totale exigeante qui réclame ouverture d'esprit. Peu la goûteront certainement à sa juste valeur mais une minorité devrait cueillir l'essence de son intimité. Une réussite. (2009) ⍖⍖⍖

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