Ne pas se fier à son nom qui évoque quelque paysage septentrional ni au visuel de son premier galop d'essai longue durée, Toundra est né sous le soleil de Madrid. Bénéficiant aujourd'hui d'une seconde vie, cet album éponyme a donc été en réalité publié une première fois l'an passé. On ne remerciera jamais assez Basement Apes Industries pour nous offrir cette (re)découverte car on tient là un petit bijou qui devrait en faire bander pas mal.
Probablement arrimée à la mouvance post rock instrumental (Pelican, Red Sparrowes), la musique des Espagnols noue en fait bien plus de lien avec le post doom des Caldera et autre Capricorns, les vibrations négatives en moins toutefois. Sur un substrat ainsi vierge de chant, Toundra galope avec des guitares qui ont l'art et la manière de toucher la corde sensible. Ses compositions ont du relief et possèdent cette faculté rare dans le genre de ne jamais paraitre ennuyeuses. Au contraire, elles évitent le piège de la brise atmosphérique (qui réussit néanmoins très bien à certains) pour constamment s'arc-bouter sur une terre ferme et dynamique comme elles savent dépasser l'alternance par trop téléphonée entre explosion et plénitude.
Dès "Bajamar", superbe montée en puissance propulsée par une seconde partie du feu de dieu, on se rend compte que l'on n'a pas ici à faire à un simple clone des géants américains. Entre intensité et mélancolie, Toundra a de l'énergie et une façon très fluide d'écouler une trame aux multiples contours. Souvent d'une belle sobriété (le squelettique "Pleamar"), le groupe atteint la jouissance absolue lors du fiévreux "Medusa", sans doute la pièce la plus bouleversante - et la plus longue - de cet opus. Pilotée par des riffs sécrétatoires d'un désespoir inexorable, elle s'envole très haut, malgré une batterie mangeuse d'espace.
"Orbita" est un crescendo sismique qui démarre de manière épurée avant de prendre de l'ampleur peu à peu. La tension est là, mais larvée, on croit qu'elle ne libérera pas son énergie électrique, ce qui survient pourtant à l'approche de ses mesure terminales. Suivent deux pulsations plus râblées mais cependant tout aussi belle à en pleurer : "Jauria" et surtout l'entêtant "Genesis", secoué de riffs qui vrillent les chairs et donnent des frissons. Enfin, l'album meurt sur une respiration cristalline, "Tesalia".
Equilibré et d'une grande cohérence, Toundra tutoie le chef-d'oeuvre. Tout simplement. Sans doute pas vraiment du doom pour les puristes, mais le quatuor fait partie de ces groupes qui s'alimentent auprès du genre, auprès de son fluide vital que, par là-même, ils entraînent dans une autre voie, moins lancinante ou mortuaire mais tout aussi belle et plus désenchantée que crépusculaire. Un de mes coups de coeur de cette fin d'année. A découvrir d'urgence ! (2009) ⍖⍖⍖
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