Nonobstant les incontestables qualités de ses albums studio, il n'en demeure pas moins que c'est bien sur scène que Earthless peut déployer toute la (dé)mesure de son talent et de sa folie. Voir en live ces trois Américains ou écouter ce concert capturé lors du Roadburn Festival en 2008 équivaut à piloter une machine à remonter le temps et à stopper le voyage il y a près de quarante ans lorsque que les (désormais) dinosaures du rock n'hésitaient pas à décoller vers les territoires de l'improvisation, à étirer leurs compos sur des durées inimaginables aujourd'hui. Earthless est leur plus fier héritier.
Quatre titres n'en formant en réalité que deux pour une double ration de musique : qui dit mieux ? Personne assurément. Il faut dire aussi que le style revisité par le groupe se prête très bien à ce genre d'exercice. Entièrement instrumentales, ces longues dérives galopent sur les terres d'un rock psychédélique parfois aux confins du blues, noyées sous des nuages d'effets hallucinés qui sentent bon la fumette. Une batterie métronomique digne de celle d'un Ian Paice (Deep Purple) et une basse discrète mais efficace forment le cadre au centre duquel la guitare de Isaiah Mitchell libère avec générosité ses effluves électriques et orgasmiques. Il ne sert à rien d'individualiser les titres en présence ("Blue/From The Ages" et Godspeed/Sonic Prayer", soit quasiment l'intégralité du répertoire des Texans) tant ceux-ci ont quelque chose d'un maelström nébuleux aux contours flous, dessiné par cette guitare démentielle qui dégouline, bave de partout sans pour autant sombrer dans le piège de la virtuosité stérile.
Au contraire, gorgées de feeling, ces lignes de six-cordes cosmiques ont suffisamment de teneur pour vous donner des frissons quasi sexuels. Elles sont une rampe de lancement vers l'Absolu. De fait, bien que simple (ce n'est pas une critique), la musique forgée par ces trois mecs qui se pointent, branchent leurs instruments et balancent la purée, se pare d'une dimension presque transcendantale. Mais, construite sur une architecture plus solide qu'il n'y parait, ces compos savent demeurer structurées et constamment passionnantes malgré leurs durées excessives. On sent bien que les musiciens, rigoureux, suivent une ligne précise ; ils ne se prennent jamais les pieds dans les fils d'un boeuf sans queue ni tête. Anachronique sans doute mais jouissif, c'est certain.
Dans le genre, Live At Roadburn est un chef-d'oeuvre et probablement l'un des meilleur témoignages scéniques gravées depuis ces dernières années. On touche le point G à plusieurs reprises. A conseiller à tous les nostalgiques des regrettées années 70. Magique ! (2009) ⍖⍖⍖⍖
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