Il n'est peut-être pas un génie mais il n'en demeure pas moins que Roman Saenko a su avec Drudkh poser les bases d'un nouveau (sous)genre, le black metal atmosphérique et plus mélancolique que dépressif et ce, quand bien même il a repris à son compte une partie de l'héritage de Burzum. On ne compte plus désormais les émules de l'Ukrainien. Parmi eux, Kladovest n'est pas loin de dépasser le maître.
S'il est avant toute chose le projet du guitariste Dimitriy K., on n'est pas étonné de retrouver à ses côtés le chanteur de Drudkh justement, ainsi que de Hate Forest (et Astrofaes), Thurios dont on sous-estime sans doute trop le rôle dans la puissance d'évocation de ses derniers. Seconde offrande des Ukrainiens, Escape In Melancholy s'inscrit dans le sillage des premiers Drudkh. Il mijote un art noir au tempo lancinant qui suinte un profond désespoir.
Mais en quatre plaintes seulement pour à peine plus de trente minutes de bande, il honore les invariants du genre sans se contenter de simplement les photocopier ; il parvient à les transcender avec panache tout en perçant des ouvertures pleine de majesté sur des paysages désolés mais néanmoins d'une froide beauté automnale. Grandiose et épique, "Abyss Of Broken Clocks" écarte ses cuisses après de longs préliminaires uniquement constitués d'un même accord rongé par le désespoir qui est répété durant plusieurs minutes. Tout Kladovest est dans ce riff beau à en pleurer qui confine à la trance hypnotique. Puis le titre entre dans une seconde phase tandis que la voix rapeuse de Thurios fait son apparition. Et si le final s'éclaircie quelque peu, cela n'hôte en rien au sentiment de solitude qui drape l'album, dont il forme avec le terminal "Insighnificant Bile" les sentinelles.
Entre les deux, on croise deux pulsations plus rapides (tout est relatif), "Gritted Fangs" et surtout "Tead Of Silk", que vrillent des riffs grésillants et sécrétatoires d'une douleur poisseuse. C'est immense, tout simplement. Et quand résonne les notes poignantes de la superbe et décharnée dernière trajectoire, on se sent emporté par un torrent d'émotions. "Insighnificant Bile", à l'instar des complaintes dont il ferme la marche, commence par des lignes de guitares, acoustiques cette fois-ci. Et contemplatives, hommage sublime à la nature sauvage et vierge de la souillure humaine. Puis, au bout de quatre minutes où cette répétition nous a installé dans un décor terreux, le tempo démarre, bien que toujours lent. Haineux, le chant de Thurios est toujours souligné par les secousses polluées du maître des lieux, sombre dialogue à la dimension presque mythologique.
Si vous avez quelque peu déçu par les derniers albums de Drudkh, vous pouvez alors vous jeter sans aucun doute sur ce Escape in Melancholy en tout point digne des Autumn Aurora et Forgotten Legends. Vous y trouverez la même profondeur habitée, la même aura belle et sinistre à la fois. (2009) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire