18 novembre 2009

KröniK | Switchblade - S/T (2009)




Des noms éponymes, des pistes anonymes : tout est fait ici pour ne pas individualiser une oeuvre qu'il faut aborder dans sa globalité. Tout signe distinctif est gommé au profit d'un tout, d'une entité qui peu à peu prend vie, se transforme, mute... Et plus les années passent et plus Switchblade largue les amarres vers une masse indescriptible aux contours flous. Plus les années passent et plus les Suédois, dont le batteur Tim Bertilsson est aussi le boss du label Trust No One, déploient leur ondes le long d'une trame interminable. Privés de points de repère, de fil d'Ariane, il ne reste plus que cet agrégat de sons, de sonorités auquel se rattacher. Sludge drone doom tectonique, Switchblade cuvée 2009 est un bloc de matière brute en forme de trois côtés qui s'enchaînent, se fondent les uns dans les autres. Le premier, pulsation de plus de dix minutes, développe un cre(scen)do mortifère que vient parfois lécher des volutes synthétiques plus spectrales que progressives. La paroi rythmique est ancrée dans la roche, les guitares sont cendreuses et corrosives tandis qu'un chant rageur lointain vient déchirer cette épaisse pellicule de soufre. 



Plus lancinante encore, la seconde piste, minimaliste et décharnée, joue davantage sur les phases de silence, sur les temps morts. Elle donne l'impression de ne jamais vouloir démarrer, de ne jamais vouloir s'expulser du vagin ténébreux qui l'abrite. Et quand elle se décide à dérouler ses tentacules, elle a alors quelque chose d'une cérémonie incantatoire ferrugineuse, baignant dans la rouille qui file doucement vers une issue innommable. Cauchemardesques, des cris presque inhumains la déchirent, l'empalent cependant que le tempo s'enlise ensuite dans un charnier boueux et se mue en une marche funèbre laide et sans but au bord d'un gouffre et qui semble ne jamais prendre fin. Abyssal. Désespéré, le dernier segment s'abîme encore peut-être davantage dans un marécage insondable d'une austérité grise et pénétrante. Sur fond de coups de boutoir, on dérive dans un maelström figé au sein d'une gangue gonflée d'un sperme venimeux. Toutes formes de lumière, de chaleur, de sens aussi y sont volontairement effacés par un phrasé déstructuré. On ne peut que s'égarer dans ce labyrinthe infernal, cette fosse Marianne minérale érodée par des riffs qui vous engourdit, vous pétrifie ; elle a quelque chose d'un trou noir. Avec bien peu de choses, Switchblade parvient à matérialiser un sentiment d'inexorabilité tragique. Switchblade ou les Jansénistes du Doom extrême. Abominable et donc essentiel. (2009) ⍖⍖⍖

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