Dès lors qu'il s'agit de doom et quelque soit la définition qu'on attribue à ce genre multiforme, on a trop tendance à sombrer dans une litanie de superlatifs, dans une surenchère de vocable de la tristesse. Certes, cette chapelle se définie, notamment mais pas seulement, par cette contamination mélancolique, mais finalement peu de ses fidèles peuvent s'enorgueillir d'être sécrétatoire de tels sentiments. Dark Castle si. Arrimé, à juste titre d'ailleurs, à la mouvance sludge dont il respecte les principaux invariants, ce duo américain - un homme et une femme - fait bien plus que dresser un simple édifice désespéré. Parler à son endroit d'une véritable douleur viscérale, d'une souffrance poisseuse serait de fait plus juste. Sorte d'Atlas d'argile, le groupe semble porter sur ses épaules toute la tristesse d'une humanité suppliciée au point de conférer à un album, le premier, tel que Spirited Migration une dimension quasi religieuse. Un martyre. S'il peut afficher des contours abrupts par l'entremise de ce chant rageur qui charrie une inexorabilité cendreuse, comme l'illustrent les sévères "Awake In Sleep" ou "Into The Past" pour ne citer que deux exemples, Dark Castle est surtout porteur de fêlures profondes, inscrites dans la chair, stigmates d'où ruisselle un fluide de désespoir.
Le scalpel qui taille à vif est alors la guitare de Stevie Floyd, laquelle exsude une résignation absolue, un abandon total qui, plus encore que lors des prêches chantées (le pourtant poignant "Growing Slow"), prend toute sa dimension tragique avec ces deux instrumentaux superbes que sont l'acoustique "Spirited Migration" digne d'un Alexandre Lagoya lorsqu'il interprète le concerto pour Aranjuez et "Weather The Storm", probablement une des pièces les plus tristes jamais entendue. Les notes grêles qu'elle pleure sont d'une grande sécheresse. Spirited Migration a quelque chose d'une chape de plomb rugueuse qui vous engourdit peu à peu, vous emprisonne dans une gangue de mélancolie minérale dont vous ne parviendrez jamais à vous extraire. Pachydermiques, pesants, ces titres aussi décharnés qu'une ombre errant dans un camp de concentration, redonnent leur sens au sludge doom en conjuguant intensité épidermique et portée bouleversante. Ce désespoir, Dark Castle le suinte avec une sincérité noble loin de toute forme de misérabilisme et une économie de moyen admirable. Spirited Migration s'impose donc comme un des meilleurs albums que le genre nous ait offert depuis longtemps car moins stéréotypé et avec cet âme qui rend les compositions autour desquels il s'écartèle si profondes. Malgré sa relative faible durée, on sort lessivé de son écoute. Une excellente découverte. (2009) ⍖⍖⍖
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