14 novembre 2009

KröniK | Darkspace - III (2008)




On peut respecter les règles encadrant un genre tout en proposant une vision personnelle de ce dernier. Darkspace l’a bien compris, lui qui depuis trois albums, sculpte un Art Noir qui n’appartient qu’à lui. S’il se repaît dans l’humus norvégien de l’âge d’or, celui des églises brûlées, celui de Darkthrone, Emperor et Burzum, le groupe suisse plonge ce terreau dans une dimension inédite et cosmique. Sa musique dévoreuse d’espace se révèle d’une densité étouffante, oppressante, noire mais néanmoins toujours envoûtante et belle. La manière dont elle emplit l’espace est tout bonnement incroyable. Cette troisième offrande emprunte un ravin identique à ses deux devancières que beaucoup ont (re) découvertes grâce au label Avantgarde qui a eu la judicieuse idée de les rééditer, mais n’hésite pas cependant à propulser parfois ce black metal sinistre jusqu’aux portes du funeral doom (la quatrième piste, notamment). Selon leur habitude, les musiciens ont pris soin de ne dresser aucune balise, aucune lanterne pour guider l’auditeur dans ce magma sonore qui voit copuler la vélocité la plus débridée et un sens des atmosphères superbe et ténébreux. Ni paroles ni titres de chansons ( ?), seulement un monolithe de près d’une heure dont la rigueur aride rend son appréhension des plus difficiles. 



Privés de repères, il ne nous reste plus qu’à nous abîmer dans ce torrent d’énergies négatives, d’émanations noires et pétrifiées qui prend fin sur une interminable pulsation au bord de la rupture qui semble ne jamais vouloir s’achever . Sans lumière, sauf peut-être durant les dernières mesures de la troisième plage qui confinent presque au divin, celui d’une Entité extra-terrestre créatrice. Darkspace est un peu au black metal ce que Esoteric est au doom ; il façonne des paysages uniques ouverts sur le cosmos, sur un univers infini. Le chant écorché, inhumain est noyé dans un maelström essentiellement instrumental où les guitares empilent une stratigraphie lugubre de couches prolifératrices et que drapent de nappes atmosphériques des claviers fantomatiques. Par le biais de sept longues complaintes astrales navigant entre dix et dix-sept minutes implacables, le groupe nous plonge dans un trou noir absolu sans espoir de retour d’une beauté abyssale. Comment de simples êtres humains peuvent-ils forger une telle bande-son ? Car, sans doute jamais un groupe n’est parvenu à aussi bien matérialiser l’Espace, cette voûte noire, inquiétante et opaque, ce monde encore inconnu en une expression musicale si glaciale. Si riche et passionnante aussi. Plus que jamais Darkspace semble provenir d’une autre planète. On tient là certainement la plus grande création en matière de Black metal de l’année 2008 qui fera date dans l’histoire du genre. Gigantesque. (2008) ⍖⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire