Les plus vieux d'entre vous se souviennent certainement de l'arrivée sur terre des affreux jojos de Gwar. C'était en 1988 et leur premier vol hors de leur planète s'intitulait Hell-O. Avec leurs têtes de gargouilles de l'espace et leur accoutrement improbable, sans doute piqué à la production de San Ku Kai, peu à l'époque les ont réellement pris au sérieux et ce, en dépit d'une musique plutôt solide, fruit de la copulation entre heavy-metal, thrash et punk. Près de vingt-cinq ans après sa naissance, le vaisseau spatial est pourtant toujours en orbite, fermement piloté par le capitaine et chanteur Orderus Urungus. La preuve, Lust In Space est déjà sa onzième croisière. La raison de cette étonnante longévité est simple. A des années-lumière d'un Lordi, Kiss du pauvre pour fête foraine, dont on n'entendra certainement plus parler très bientôt, les Américains, s'ils font encore sourire avec leur maquillage et leurs déclarations tapageuses, eux, ne rigolent pas musicalement. D'ailleurs, n'oublions pas que John Cobbett, guitariste des superbes Hammers Of Misfortune, Ludicra et Slough Feg, a un temps fait partie de l'équipage. Un signe qui ne trompe pas donc. Moins bordélique, moins sale, plus sage aussi que certaines de ses devancières, Lust In Space, habillée d'une pochette d'un très bon goût, poursuit l'évolution entamée depuis quelques albums vers une plastique plus foncièrement mélodique, bien qu'elle n'appartienne toujours qu'à ses géniteurs.
Témoin, le fabuleux titre (assurément le meilleur du lot) qui donne son nom à cette nouvelle cuvée, longue échappée catchy aux riffs qui vrillent le cerveau. On peut être masqué mais pas manchots ; les vilains clowns savent écrire de vraies chansons, parfaitement charpentées, courtes et ramassées. Parfois énervées ("Let Us Slay"), plus pesantes (le thrashy "Damnation Under God" ou "Release The Flies", assez sophistiqué car plus porté sur les ambiances et un autre temps fort de ce menu), voire presque rock 'n' roll ("The Uberklaw" et sa cadence effrénée que transpercent des chœurs déjantés), elles foncent à toute allure, négocient les virages avec habileté (l'excellent "Where Is Zog ?", reposant sur un modelé rythmique tortueux) et finissent par creuser des sillons profonds dans la mémoire ("Parting Shot", zébré par des soli bien troussés et cassé par de nombreuses fractures), preuve de la maîtrise demeurée intacte de nos lascars qui ne se prennent jamais la tête. Si on est souvent proche de la parodie ("Metal Metal Land"), Gwar n'est pas non plus Manowar et sait éviter le piège du ridicule. Lust In Space se veut sans prétention. Et comme souvent lorsque c'est le cas, on ne saurait s'attendre à un chef-d'œuvre. Les Américains n'en ont de toute façon jamais réellement pondu et s'en moquent probablement. Eux, ce qui les intéressent c'est de convier l'auditeur à une espèce de partouze fun et intersidérale. Le cahier des charges est donc respecté. Les amateurs ne seront pas dépaysés par un album ni pire ni meilleur que ses aînés. Du Gwar, quoi, inclassable et intemporel. (2009 | MW) ⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire