Ce qu'il y a de chouette avec Arjen Anthony Lucassen, c'est qu'il ne reste jamais bien longtemps absent de nos platines. Depuis quelques années, entre deux offrandes de Ayreon, sa résidence principale et celle qui lui a apporté la reconnaissance, l'homme aime monter un nouveau projet, souvent éphémère, toujours intéressant. Après Star One en 2002 et Stream Of Passion en 2005, le voilà qu'il lance Guilt Machine. Cela lui permet de répondre moins à un désir d'expérimentation (j'y reviendrai) mais davantage à celui de renouer avec la dynamique d'un véritable groupe (même avec Star One, malgré la kyrielle d'invités : l'esprit était là). Ainsi, pour les besoins de cette dernière entreprise, Lucassen a décidé de ne s'entourer que d'une très petite équipe, équipe qu'il a recruté, une fois n'est pas coutume hors de son vivier habituel, hormis bien entendu en ce qui concerne la guitariste (sa compagne dans la vie privée) Lori Linstruth : Chris Maitland (ex-Procupine Tree) à la batterie et surtout le belge Jasper Steverlink (Arid) pour tenir le micro. On This Perfect Day est donc le fruit de cette association inédite. Si cet concept-album porte incontestablement la signature du Hollandais (arrangements, sons, comme lors de l'intro de "Twisted Coil", lignes vocales sont reconnaissables entre mille), il témoigne aussi d'une volonté, certes encore timide, d'affranchissement par rapport à ce style dont Arjen ne parviendra sans doute jamais à se départir totalement (est-ce qu'on lui demande ?) et ce autant dans la forme que dans le fond. Pour ce qui est de la forme tout d'abord, on peut noter la durée inhabituelle des chansons qui oscillent entre 6 et 11 minutes en moyenne.
Corollaire de cette architecture, le disque n'agrège que six titres. Pour le fond ensuite, On This Perfect Day se drape dans une certaine noirceur à laquelle Lucassen n'était jusqu'à présent pas coutumier, quand bien même la dernière oeuvre d'Ayreon, 01011001, affichait déjà par moment des couleurs assez sombres. De plus, cet album, parfois quasi contemplatif, offre au son auteur la possibilité de quitter, par instant, les terres du progressif pour s'aventurer sur d'autres terrains. Le caractère presque trip hop (et très réussi) de l'étonnant "Leland Street" le montre bien. Le jeu de batterie, fin et sophistiqué, de Maitland, tout comme le chant de Jasper (sur "Green And Cream" notamment) procèdent aussi de cette émancipation. Bref, le menu sonne moins stéréotypé. On aurait sans doute aimé que Lucassen aille encore plus loin, tente encore d'autres choses, essaye d'autres pistes ; avec un tel groupe, il en avait les moyens. Dommage. Mais ne boudons pas notre plaisir, On This Perfect Day s'impose comme une belle réussite, fidèle en cela au standard de qualité du maître des lieux ; il se déleste de purs moments de grâce, à l'image de l'imposant "Twisted Coil", le très beau "Season Of Denial", strié de nombreux passages absolument superbes ou bien le terminal "Perfection ?". Ce galop d'essai de Guilt Machine possède donc les qualités (production lisse et parfaite, science des arrangements, écriture ciselée...) et les défauts (certaines facilités ne sont pas évitées tandis que la musique peut avoir des airs de déjà-entendu pour qui suit le Hollandais depuis longtemps) de tous les projets d'Arjen Lucassen. De fait, si vous êtes fans du bonhomme, vous pouvez vous jeter sur cette rondelle les yeux fermés... (2009) ⍖⍖⍖
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