Je vais probablement en décevoir certains. Pourquoi ? Parce que contrairement à la majorité qui voit en lui un chef-d’œuvre, unique et précieux, je ne suis pas un admirateur de Focus, le premier et alors dernier opus gravé en 1993 de Cynic, sorte de supergroupe formé autour du guitariste Paul Masvidal, de Jason Gobel et de la section rythmique des deux Sean, Reinert (batterie) et Malone (basse) et surtout chef de file du mouvement techno death metal, soit un metal de la mort ultra technique et virtuose. Ovni musical en avance sur son temps, Focus en a traumatisé pas mal… dont je ne fais donc pas partie et je le regrette. Peut-être est-ce tout simplement parce que je ne l’ai découvert que longtemps après sa sortie ? Toujours est-il que la nouvelle de la reformation du groupe ne m’a pas fait sauter au plafond. Intrigué, oui, excité, non. Pourquoi intrigué ? Pour une raison bien simple : si je ne suis pas un fan de Cynic, cela ne m’empêche pas d’apprécier toute la galaxie musicale née dans le sillage de sa disparition, toute cette scène finalement plus progressive qu’extrême, celle de Portal, le projet de Masvidal qui a suivit dès 1995, de Gordian Knot, le laboratoire de Sean Malone ou bien encore de Aghora (avec Reinert et Malone). Quinze après son galop d’essai, Cynic donne donc enfin un successeur à celui-ci, ce Traced In Air que personne n’attendait plus, dont l’édition a été particulièrement soignée par Season Of Mist (la box est superbe et pleine à craquer).
Et, contre toute attente, c’est une très bonne surprise, à la fois pour les sceptiques qui s’interrogeaient sur le bien-fondé de cette renaissance et pour moi car il est plus proche des groupes cités un peu plus haut – on pense beaucoup à Gordian Knot par exemple - que de Focus. Alors certes, il y a beaucoup de ce premier album dans ces huit nouvelles compositions, toujours courtes et ramassées (deux seulement dépassent les 5 minutes, c’est dire) et irriguées par le chant (clair) spatial d’un Masvidal dont on reconnaît immédiatement l’empreinte en terme d’écriture. Mais voilà, Traced In Air ne noue que bien peu de liens avec le death metal contrairement à son aîné. Pas - ou peu car utilisés avec parcimonie - de grognements (sauf notamment sur le très beau “ Evolutionary Sleeper ”) mais une musique cosmique complexe et dense qui n’oublie pourtant jamais de se parer d’une beauté émouvante. Si les parties de guitares sont à couper le souffle (“ The Unknown Guest ”), il faut à tout prix louer le travail formidable abattu par Sean Reinert, comme en témoigne l’intro instrumentale “ Nunc Fluens ”. D'une durée assez faible, ce qui, par les temps qui courent, est agréable, Traced In Air est un album rafraîchissant, étonnement digeste eut égard à la virtuosité foisonnante qui le guide, sans temps mort. Aura-t-il la même influence que Focus ? On peut malgré tout en douter car il est moins novateur… Ce qui n’enlève rien à son éclatante réussite. (2008) ⍖⍖⍖
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