9 septembre 2009

KröniK | Carrion Wraith - S/T (2008)




Ce premier méfait de Carrion Wraith est un double témoignage. Il démontre déjà l'activisme d'un musicien, Monarque en l'occurrence, chanteur au sein de son propre projet du même nom ainsi que de Blackwind et Sui Caedere sans compter son travail avec son label Les productions hérétiques. Ensuite, il illustre le foisonnement de la scène noire québécoise, dont l'éveil semble coïncider avec la résurrection en 2006 de Sepulchral Productions, l'écurie de Myrkhaal (Frozen Shadows), quand bien même cet album n'y est pas abrité. Si l'univers tant thématique que sonore de Monarque vous est familier, vous ne serez pas dépayser par les sept complaintes que réunit Carrion Wraith. Le socle s'enracine dans les couches d'un black metal sinistre et haineux, que vient éroder le chant de gargouilles écorché du vocaliste qui hurle son désespoir, sa colère avec une intensité profonde. Ecouter cette offrande lugubre équivaut à se perdre dans une forêt rongée par les ténèbres. Elle atteint même un zénith en matière de décrépitude absolue. Ces dérives lancinantes suintent un mal être vicieux qui vous gangrène de l'intérieur. D'une lenteur agonisante et mortifère, "His Rotting Crown And Carcass Throne" est ainsi un monstre de dépression terminale, dont le arpèges discrets propulsent plus encore dans les abîmes. Les titres sont relativement longs sans sombrer non plus dans l'interminable et ne risquent pas de battre des records de vitesse ; la prise de son est garantie 100 % naturelle tout en conférant l'épaisseur requise, la dimension crépusculaire que nécessite ce genre de musique et les textes oscillent entre l'anglais et le français ("L'abysse de la folie"...), signature identitaire à laquelle sont très attachés les groupes de cette enclave française en Amérique du Nord. On pourrait trouver tout ça peu original mais ce n'est pas le but. Encore une fois, une telle oeuvre se juge par sa capacité à exprimer la noirceur, la tristesse et la haine, ce qu'elle parvient très bien à faire. Froides comme la roche en hiver, ces plaintes sculptent des paysages désolés qu'aucune lumière ne vient jamais éclairer. Elles sont les pinceaux d'un monde forestier éternellement avalé par la nuit et recouvert d'un manteau de neige sale. Elles réussissent à appuyer sur l'interrupteur et à plonger tout ce qui les entourent dans le noir le plus opaque. Et encore une fois, on tient là une pièce majeure à mettre à l'actif du black metal québécois, terrain où actuellement prolifère le mieux cet art nocturne et misanthropique. (2009) ⍖⍖⍖

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