1 août 2009

KröniK | Shining - VI - Klagopsalmer (2009)




Alors, la voilà enfin, cette sixième ode mortifère de Shining. Oh non pas que nous ayons dû patienter longtemps depuis sa devancière, Halmstad, vomie il n'y a que deux ans, mais, annoncé depuis longtemps et retardé pour d'obscures raisons (la production commandée auprès de Rickard Bengtsson serait fortement critiquée par Kvarforth, sans oublier la pression du label, Osmose, qu'il a depuis largué pour Indie Recordings, pressant le groupe de livrer rapidement un nouvel opus dans les bacs), Klagopsalmer commençait à adopter des allures d'arlésienne du metal noir et suicidaire. On peut reprocher beaucoup de choses à Niklas Kvarforth : sa folie destructrice, sa bêtise parfois (cf. sa pseudo mort il y a quelques années), le fait d'être devenu à la mode et cela pas forcément malgré lui, d'avoir perdu son âme et la noirceur poisseuse, insondable qui minait ses premiers méfaits et surtout le cultissime Within Deep Dark Chambers... Néanmoins, à sa décharge, il faut lui reconnaître, outre le soin de bien savoir s'entourer, une volonté de continuer à travailler son art et sa vision du black metal, quand bien même l'évolution qu'il fait prendre à son entité ne fait pas/plus que des adeptes. Mais, en l'espace d'une poignée d'albums et bien qu'en faisant sien l'héritage de Burzum, son projet a su créer une voie qu'il lui est propre, aujourd'hui copiée jusqu'à l'écoeurement par des palettes entières de suiveurs de bas étage. Fidèle à un format - six titres pas plus - dont il ne se départira sans doute jamais, Kvarforth poursuit avec Klagopsalmer la trajectoire tracée par Halmstad, celle qui est entrain de mener peu à peu son black metal vers une musique, certes toujours aussi charbonneuse mais surtout de plus en plus sophistiquée, voire progressive. 

Le fait que Shining tende désormais à s'imposer comme un groupe (les guitaristes Huss et Graby ont ainsi participé à l'écriture !) et non plus seulement comme le jouet d'un seul homme, secondé par des "outils", participe aussi de cette tendance que certains peuvent critiquer mais qui donne un sens au projet et éviter le piège dangereux de la stagnation. Plus organique que jamais, l'art de Shining se pare avec cet album d'un double visage à la Janus. D'un côté, on ne peut nier que ces nouvelles compositions, bien mieux structurées que leurs aînées, plus complexes dans leur développement également, soient plus foncièrement rock et catchy ("Vilseledda Barnasjälars Hemvist"), plus accessibles même, ce que la présence, parcimonieuse cependant, d'un chant clair (le très darkwave "Ohm") ou d'un ensemble à cordes sur le terminal "Total Utfrysning" semblent confirmer, tout comme ces soli ultra mélodiques qui les zèbrent ("Ohm" encore, mais aussi "Fullständigt Jävla Död Inuti"). Mais de l'autre, Klagopsalmer s'abîme dans un gouffre de désespoir sans fin. Tout du long, il exsude un sentiment de décrépitude, de décadence, qui pourtant ne surprendra pas grand monde et certainement pas ceux qui suivent Niklas depuis ses débuts dans les marécages de l'underground qu'il a désormais quitté. Toutefois, c'est surtout lors de ses derniers souffles qu'il atteint les sommets du malsain. Squelettique et d'un minimalisme admirable, "Krossade Drömmar Och Brutna Löften", instrumental décharné qui ruisselle une inexorabilité absolue, se pose sans doute comme la plainte la plus noire de l'ensemble, tandis qu'avec le lancinant "Total Utfrysning", qui voit Shining se lancer à l'épreuve d'un titre de plus qu'un quart d'heure (!), la tristesse trouve le plus ténébreux des écrins, ce que soulignent des accords tissés par des cordes graves et dépouillées, comme lors des ultimes mesures et ce malgré, une influence floydienne lointaine et probablement involontaire. De fait, l'album semble se scinder en deux parties, l'une accrocheuse et mélodique et pas forcément la plus intéressante ; l'autre bien plus noire et d'une sinistre poésie. Largement supérieur à Halmstad, Klagopsalmer, s'il souffre d'une réalisation au goût d'inachevée, impressionne cependant par son interprétation carrée et précise et par son écriture qui ne peut être prise à défaut mais on a connu Kvaforth nettement plus evil et inspiré. Maintenant respecté par tous, c'est bien peut-être lorsqu'il se contente de poser sa voix chez d'autres, tels que Hjarnidaudi et plus encore Manes (son Solve Et Coagula est un monument), que l'homme emporte désormais réellement l'adhésion. (01.08.2009) ⍖⍖⍖









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