KröniK | Hyadningar - The Weak Creation (2009)

Il faut au moins reconnaître une qualité (il en possède du reste de nombreuses autres) à Hyadningar : le groupe sait démarrer un album. Après "The Cross Destitution" pour Imminent Useless Soul, c'est au tour de "The Beast Within" de nous ouvrir les portes. Dès lors, comment ne pas avoir envie de s'abîmer avec une délectation masochiste dans The Weak Creation, seconde cuvée noire de cette entité normande trop discrète que les fans fidèles d'Ataraxie connaissent bien puisque elle est animée par la gorge (la plus) profonde de la chapelle extrême hexagonale (ou pas), j'ai nommé Jonathan Théry aka Marquis ainsi que par le batteur Pierre Senecal (Turannos), ici dans un registre plus lapin Duracell que léthargique. Toutefois, résumer Hyadningar à ces deux seuls membres, aussi importants soient-ils serait un raccourci regrettable car le groupe doit aussi beaucoup de son identité aux guitaristes Eurynome et Nehluj (Yuck, Telümehtår) et au bassiste Nekurat (Yuck également). Pour ceux qui découvriraient le collectif seulement aujourd'hui, sachez que celui-ci forge un black metal très personnel qui s'est très tôt affranchi des étiquettes qui divisent le genre. Ni pagan ni true ni suicidaire mais sans doute un peu tout ça à la fois, Hyadningar trace de fait son propre chemin, un chemin qui croise toutefois souvent le gouffre du doom mortifère. Un profond désespoir, qui suinte autant des cris possédés du divin Marquis que des guitares dont chaque note semble pleurer toute la tristesse d'une vie grise et sans issue, mine l'intégralité des huit pistes (le bien nommé "Gates Of Hopeless Life") qui architecturent un album plus homogène en terme de qualité d'écriture que son prédécesseur, certes pourvu de très grandes réussites ("The Cross Destitution"…) mais qui ne tenait pas tout à fait la distance. 

Cette fois-ci, le groupe a soigné toutes ses compositions, généralement assez longues et mêlant dimension épique, tempo rapide, atmosphères lancinantes et terminales. Pas de remplissage ni de (relatifs) passages à vide, The Weak Creation ne distille que des moments forts dont certains laisseront de lourds résidus dans votre mémoire. Citons, outre "The Beast Within" et, lors de sa seconde partie, son socle de batterie militaire, le définitif "Templars Of The Black Sun", irrigué par des riffs qui ouvrent des paysages crépusculaires, le plus court "Haven Of Death", dont le final grandiose saura vous tirer toutes les larmes du corps, "The Weak Creation", que vrillent des décharges frénétiques et obsédantes et qui voit Marquis hurlé comme si sa vie en dépendait et plus encore "Forsaken", théâtre de piqûres insidieuses assené par les interventions des deux guitaristes. Le pont acoustique qui perce ce titre est tout à fait remarquable car sobre et dépouillé. Pendant de longues minutes, le temps semble s'arrêter tandis que la mort en maraude est incarnée par les vocalises de Jonathan. N'oublions pas enfin le funéraire "Ephemeral", lente marche agonisante, catatonique de plus de dix minutes aux portes du funeral doom qui s'ouvre sur une très longue intro avant d'exploser avec les rugissements du chanteur, plus terrifiant que jamais. Bien meilleur que bien d'autres méfaits dont on parle pourtant beaucoup plus, The Weak Creation est un très grand disque de black metal, dont l'intimité noire et profonde ne se dévoile qu'après de multiples écoutes et il confirme que l'on tient bien avec Hyadningar est un de nos meilleurs commerciaux dans ce créneau ténébreux. (2009) ⍖⍖⍖