L'analogie peut sembler osée, pourtant prétendre que Bill Steer est au (grind) death metal ce que Ritchie Blackmore est au hard rock n'est finalement pas si absurde que cela. En effet, tous les deux se sont imposés dans un genre avec lequel ils ont décidé de prendre leur distance pour se faire plaisir et jouer la musique qu'ils ont (désormais) dans le sang. Après son départ de Carcass, groupe auquel il doit sa renommée (plus qu'avec Napalm Death), le guitariste monte à la fin des années 90 Firebird pour y honorer à la fois la formule magique du power-trio et le grand hard rock bluesy, au grand désarroi de ses fans de la première heure lesquels, à l'instar de ceux du père de "Smoke On The Water, ne comprennent pas pourquoi il a pris la tangente vis à vis d'une scène dont ils auraient voulu qu'il ne la quitte jamais. Seulement voilà, quand bien même Steer participe depuis l'an dernier à la reformation du groupe de Jeff Walker, cela fait longtemps maintenant que ce n'est plus le death metal qui coule dans ces veines mais le rock de la fin des sixties et du début des seventies, celui de Humble Pie, Cream, Grand Funk Railroad ou Johnny Winter (ce sont les références que le musicien cite volontiers). Grand Union est déjà sa cinquième offrande sous cette bannière et vu l'aisance avec laquelle il renoue avec ses premières amours, il aurait bien tort de ne pas insister.
Dans la lignée de ses prédécesseurs, ce recueil de douze chansons généreuses et finement ciselées se veut une petite merveille qui fait du bien. Loin du stoner stérile et souvent opportuniste, ce rock transpire la sincérité. On sent que Bill Steer ne triche pas. Sans être un chanteur exceptionnel, il égrène des lignes vocales qui se marient à la perfection avec une musique vintage et chaleureuse. Aussi à l'aise avec une gratte qu'avec un harmonica (le superbe "Worried Mind"), l'Anglais aligne une brochette de petites pépites gorgées de feeling, telles que les imparables "Blue Flame", "Jack The Lad" avec sa rythmique de bucheron, l'envoûtant " Lonely Road", rehaussé de nappes de claviers antédiluviens, "Fool For You", que Steer transperce d'un solo lumineux, "Silent Stranger" et son intro à la wah-wah et plus encore le grandiose "Caledonia", dont les premières notes ne sont d'ailleurs pas sans évoquer le fantôme du Blackmore époque Rainbow justement. Anachronique peut-être Grand Union s'impose malgré tout comme une réussite incontestable et certainement comme le meilleur essai de Firebird à ce jour. Si A l'heure des disques surproduits et sans chaleur, vous cherchez au contraire une galette qui vit, respire, quelque chose de vrai avec une âme, alors je ne saurais trop vous conseiller de jeter une oreille sur cet album au charme délicieusement suranné mais couillu. (2009) ⍖⍖⍖
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