Etonnant. Oui étonnant cette façon dont le metal extrême s'abreuve aujourd'hui de plus en plus à la source d'un rock progressif qu'on ne cesse de (re)découvrir. Alors que cette chapelle semble à première vue très éloignée du dogme progressif (maillage instrumental chiadé, virtuosité...), le black metal notamment y puise un combustible qui finalement se mélange avec réussite à son essence. Le pont entre les deux n'est pas nouveau (le In Harmonia Universali de Solefald en 2003 par exemple) mais les exemples tendent à se multiplier comme les pains. Saros en est une bonne illustration. Que ce groupe ai son QG en Californie, à San Francisco pour être plus précis ne surprend pas. La ville est le théâtre d'une scène des plus active dont le point de convergence pourrait être Amber Asylum, entité guidée par Kris Force mais au line-up mouvant où se sont croisés des membres de The Gault, Weakling, Hammer Of Misfortune, Ludicra, Wolves In The Throne Room ou Saros justement. Soit des musiciens pour qui le rock progressif n'est pas un gros mot. Saros donc, se présente avant tout comme le véhicule de Leila Abdul-Rauf, guitariste et chanteuse qui n'hésite pas à utiliser sa voix dans un registre caverneux tranchant. La grande force de ce groupe réside à la fois dans ce chant à double visage ("As The Tyrant Falls Ill") et dans un sens du riff éblouissant.
Ancrée dans un socle massif du à la production épaisse du maître Billy Anderson, chaque compos est irriguée par des lignes de guitares, lourdes et stratosphériques à la fois ("Coriolis"), proche parfois du post-rock, qui bouffent l'espace sonore, se déploient et semblent chevaucher de vastes plaines. Chaque accord libère des vibrations intenses et vertigineuses. Tout en progression, les sept titres formant Acrid Plains, premier album d'un groupe où l'on retrouve également l'ancien batteur de Weakling (une référence pour beaucoup dont la qualité est inversement proportionnelle à la faible renommée), étirent un canevas où passages atmosphériques copulent avec montées en puissance fiévreuses et accélérations infernales. Au progressif, ils empruntent l'architecture alambiquée, un format long (parfois plus de dix minutes) tandis que l'entame du fabuleux "Acrid Plains" évoque avec jouissance le spectre du Pink Floyd de l'âge d'or. Le temps d'une respiration squelettique qui coupe l'album en deux - "As The Tyrant Falls Ill (reprise)" - et où résonnent les cordes chargées d'une gravité sourde de Kris Force, Saros reprend son souffle avant de se lancer de nouveau dans la conquête d'étendues arides et sauvages, à l'image d'un "Devouring Conscience" au final dantesque, de "Reversion", qui mêle ondes black metal et caresses aériennes ce que soulignent des guitares qui s'élèvent très haut et surtout du terminal et démentiel "The Sky Will End Soon", périple long et épique de plus de 12 minutes. Sans doute pas du vrai black metal pour les puristes mais un grand disque tout de même, d'une beauté âcre et saisissante et dont les résidus restent longtemps accrochés à la mémoire. (2009) ⍖⍖⍖
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