Les temps changent. Si en 1992, le retour de Ronnie James Dio dans le giron sabbathien n'avait pas excité grand monde, ne permettant pas au dinosaure anglais de stopper sa chute de popularité, seulement de la ralentir un moment, il en va tout autrement aujourd'hui. Il faut dire aussi qu'à l'époque cela faisait déjà bien longtemps que le groupe n'était plus en odeur de sainteté tandis que le nain venait d'aligner deux albums peu convaincants (Sacred Heart et Lock Up The Wolves). Désormais Black Sabbath est (re)devenu une entité respectée par tous et chaque opus de Tony Iommi en solo est particulièrement bien accueilli. De fait, tout le monde attend (espère) enfin que l'institution se fende d'une nouvelle pierre à son honorable édifice. Ozzy n'a pas l'air pressé d'y participer. Tant pis pour lui (ou tant mieux plutôt) et comme la carrière de Dio est en panne sèche (il a bien tenté de relancer Rainbow mais Ritchie Blackmore s'en moque), quelle meilleure idée alors que de reformer le line-up du début des années 80 ? Dont acte. Pour d'obscures raisons (un caca nerveux du père Osbourne ?), Iommi, Dio, Butler et Appice décident de se réunir sous un autre nom, celui de Heaven & Hell, référence évidente au chef-d'oeuvre de 1980. Une tournée pour commencer, immortalisée par un live de qualité, trois titres inédits ensuite pour donner un crédit supplémentaire à l'entreprise et aujourd'hui ce premier album de Black Sabbath depuis Forbidden en 1995. Bénéficiant d'un son à arracher la tapisserie, The Devil You Know est un peu à la croisée de Dehumanizer, le disque qui scella le premier retour (éphémère donc) de Ronnie dans la formation et des deux essais que le guitariste a gravés avec Glenn Hughes au chant. En plus lourd, beaucoup plus lourd. La six-cordes tellurique du gaucher est la colonne vertébrale de chansons ultra heavy dont la rythmique écrase tout sur son passage. Iommi et Butler érige un blockhaus imprenable, aidé en cela par la frappe pesante de Vinnie Appice.
Cet album présente dix titres conformes à ce que l'addition de ces talents est censée offrir. Comment de tels musiciens pourraient-ils enfanter d'une oeuvre médiocre ? Ils ont bien trop de métier pour cela. Et surtout, ils possèdent le petit plus qui leur permet de se transcender tout en délivrant ce que les fans attendent. Cette qualité leur évite de sombrer dans le réchauffée sinon la facilité, à l'image de bien trop de vieilles gloires sur le retour qui ne se contentent bien souvent que d'une resucée de leur passé. Chaque morceau est un bijou d'écriture magnifié par la voix intacte du grand Dio (Ozzy, Ian Gillan, vous entendez ?), plus puissante que jamais. De l'introductif et magistral "Atom & Evil", qui met tout le monde d'accord en quelques minutes avec sa profondeur rythmique et son refrain qui s'accroche à la mémoire comme les impôts aux contribuables, jusqu'au terminal et quasi doom "Breaking Into Heaven", enténébré par le jeu du moustachu, du rampant "Fear" au malsain "Follow The Tears, qui s'ouvrent sur une atmosphère gothique envoûtante sans oublier la montée en puissance "Bible Black", le premier single extrait de ce menu très sombre ou bien encore "Rock & Roll Angel" qui permet à Tony Iommi de se fendre d'un solo beau à vous foutre des frissons (absolument) partout. Rien à jeter donc. Tout est là : les compos, le talent, la personnalité. La classe. Manque juste un peu plus d'émotion. Ce (très léger) bémol n'empêche nullement The Devil You Know de s'imposer comme le meilleur album que Black Sabbath (Heaven & Hell) ait livré depuis très (très) longtemps. Meilleur dans tous les cas que ne le fut Dehumanizer. (2009) ⍖⍖⍖
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