Comme dit l'adage célèbre, l'habit ne fait pas le moine ! Ainsi, Battle Dagorath n'est pas tout à fait ce que le visuel de son premier galop d'essai laisse tout d'abord suggérer. En effet, avec sa montagne enneigée, Eternal Throne semble tout droit venir de Scandinavie. De même, en chargeant le cd dans la chaîne hifi, on s'attend à un art des ténèbres épique et majestueux. Tout faux. Déjà, le trio est basé en Californie (?), territoire dont on a du mal à imaginer qu'il puisse être le théâtre d'une scène black metal fertile ; de Xasthur à Saros en passant par Leviathan, c'est pourtant le cas . Ensuite, bien qu'elle se déploie sous la forme de pulsations souvent d'une longueur conséquente ("In The Forest Of Frozen Darkness" dépasse même le seuil des 10 minutes), la musique des Américains se veut plus atmosphérique que véritablement épique. Mais attention, atmosphérique ne veut pas dire mou du zizi, bien au contraire car Battle Dagorath déverse avec largesse sa haine et sa colère. On parle davantage là d'ambiances, d'évocations. D'incantations presque. Cependant, la présence de Christoph Ziegler, l'âme du grand Vintteriket, responsable du mastering ainsi que d'une intro et d'une outro hivernales, ne doit pas vous tromper : Eternal Throne ne braconne pas (toujours) sur les terres de la dark ambient quand bien même cet album est écartelé par de nombreuses touches de ce type, tandis que les textes versent effectivement dans un concept cosmique et ésotérique. Musicalement, les Californiens erigent un black metal dépressif, rapide et brutal parfois ("The Dark Fire, The White Gate" notamment), sombre et intense toujours. Les guitares, grésillantes et très norvégiennes dans leur accordage, constituent les arcs-boutants d'un édifice ténébreux. Obsédantes, voire carrément hypnotiques, elles guident le pèlerin dans des arcanes qui serpentent dans un monde étrange et inquiétant, sur lequel souffle des cris écorchés. Mais le groupe n'est jamais aussi convaincant que lorsqu'il se plait à laisser parler les ambiances plutôt que la poudre, comme il le fait dans la seconde partie du parcours, à l'image de "The Marching Shadows Of Eternal Death", balayé en son final par un zéphyr envoûtant et plus encore quand il ralentit le tempo, lorgnant alors vers le Burzum de l'âge d'or, comme en témoigne certains passages de "Under The Warlord Spell" qui découpent des instants mortifères dans une trame implacable. Et que dire du gigantesque "Carn Dûm", instrumental ambient dont les effluves électroniques suintent une décrépitude infinie ? Que c'est bien dans cette voie que Battle Dagorath devrait à l'avenir creuser davantage plutôt que dans celle d'un metal noir rapide et finalement banal. Le funéraire "In The Forest Of Frozen Darkness" le confirme avec brio. Après une longue intro vrillée par un rythme lancinant qui pose un décor crépusculaire dont on sait qu'il précède l'explosion à venir, le chant enragé surgit et la complainte démarre et étire ses tentacules oppressantes. Par la suite, le tempo se ralentit, piloté par des riffs dissonants, pinceaux qui s'abreuvent dans une substance d'un noir désespoir. Superbe. Eternal Throne est en définitive un premier album intéressant, qui ouvre des pistes et Battle Dagorath, une entité à suivre de près si elle parvient à marier avec plus de réussite encore un black metal rapide avec une musique ambient qui lui sied plutôt bien... (2009) ⍖⍖
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