Savage Master pourrait être un obscur groupe issu des aciéries des années 80 qui viendrait se rappeler à notre brumeux souvenir. Le logo, la musique bloquée entre Judas Priest et Exciter, le label (Shadow Kingdom) sont autant d'indices qui semblent attester cette fossilisation que ne manquerait sans doute pas de confirmer une datation au Carbone 14. Pourtant, il n'en est rien puisque que les Américains besognent seulement depuis une petite dizaine d'années à peine ! Voilà donc encore une formation anachronique inspirée du passé et des travaux des anciens. Ce n'est pas si grave. Savage Master aurait pu tout aussi bien ne pas vraiment nous intéresser, justement parce que le heavy metal qu'il régurgite ne trouve guère en nous une oreille favorable et ce, nonobstant le fait que les groupes dont il tête les mamelles ferrugineuses ont marqué notre adolescence de (désormais) vieux hardos. Mais enfin, comment ne pas être ferré par un combo qui accueille en son sein une chanteuse de l'acabit de Stacey Savage ? Dans cette féminité réside finalement la principale raison de se frotter de ce quatuor animé en outre par Adam Neal, ici guitariste mais chanteur chez Dragon's Kiss. Reconnaissons de fait que sans la présence de la metal queen, ce heavy metal d'un autre âge n'aurait ni la même saveur ni la même exposition. Mais les esgourdes au niveau du slip, nous ne pouvons donc demeurer insensibles aux charmes ténébreux de la belle Stacey, mi-déesse mi-sorcière dont l'énergie haut perchée nous aimante avec une vénéneuse séduction.
Reste qu'une chanteuse aussi charismatique soit-elle ne fait pas nécessairement un bon album et les Ricains fournissent heureusement d'autres qualités expliquant la solide tenue de leurs trois premières saillies (sans compter deux EPs) que complète aujourd'hui avantageusement Those Who Hunt At Night. Des chansons simples mais d'une efficacité redoutable, une envie de taper du pied et de sucer des bières (entre autres), des mélodies qui s'accrochent à la mémoire comme une moule à un rocher et des refrains fédérateurs ('Hunt At Night') nourrissent un metal traditionnel que lèchent les flammes occultes du bûcher sensuel nichée dans l'intimité de sa figure de proue. Malsain parfois ('Rain Of Tears'), emporté par d'implacables rouleaux ('Eyes Behind The Stars') mais toujours remuant ('Spirit Of Death'), ce quatrième effort a le bon goût de varier les plaisirs, de changer de positions sans pour autant jamais dévier de sa trajectoire, sauvage et directe, old school et dégraissée de toute affèterie. Rapide, nerveux sans être trop sale ou poissé de sang menstruel, Those Who Hunt At Night bétonne un heavy en définitive plus intemporel que passéiste qui doit il est vrai quand même beaucoup à la fougue macabre de sa maîtresse de cérémonie et à cette aura occulte échappée d'un film de Ed Wood ou de Elvira. Loin d'être indispensable, Savage Master n'invente rien (ce n'est pas son propos de toute façon) mais il peut compter sur son incontestable habileté à faire reluire ce bon vieux speed des familles gainé de chant féminin pour accrocher dès les premiers rapports à défaut de laisser durablement une marque indélébile dans la chair... (16.07.2022 | LHN) ⍖⍖
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