19 septembre 2021

KröniK | King Crimson - The ConstruKction Of Light (2000)




Qu’on le veuille ou non, on n’aborde pas un nouvel album du grand King Crimson comme n’importe quelle autre sortie lambda, non pas du fait de la stature de légende vivante du groupe mais car chacune de ses livraisons demeure unique et imprévisible. Affilié faute de mieux dès ses débuts à la fin des sixties à l’auberge espagnole du rock progressif, cette étiquette ne lui convient finalement pas tant que cela : King Crimson fait du King Crimson. Point barre. Malgré sa deuxième mise en sommeil au milieu des années 80, le groupe anglais semble avoir trouvé depuis l’arrivée de Adrian Belew (chant, guitare et bien plus encore) une certaine stabilité qui n’a d’égal que la folie rampante qui gangrène de plus en plus son art. Faisant suite au déjà incompréhensible Thrak (1995), The ConstruKction Of Light séduit autant qu’il laisse perplexe. Déjà, qu’est-ce que c’est que ce K qui vient déformer le titre de ce nouvel opus ? En perturbant l’orthographe par l’ajout d’une lettre en guise de symbole de son identité, Le Roi Cramoisi nous offre de suite un indice quant à sa philosophie. Le blues biscornu où tout va de traviole, le bien nommé ” ProzaKc Blues “, confirme d’entrée que cet album n’est pas une question de logique, de normalité ou de bon goût. Autant dire que ça part dans tous les sens. Mais c’est voulu. 


The ConstruKction Of Light ressemble au théâtre d’une lutte entre la lumière incarnée par le chant aérien, presque pop (dans le bon sens du terme) de Belew et les ténèbres, matérialisées par la guitare de plus en plus hallucinée, de plus en plus déjantée de Robert Fripp. Ses lignes maladives et noires comme un puits sans fond courent le long de titres qui échappent à tout schéma de construKction. Les longues plages instrumentales, que vient hanté parfois un mellotron fantomatique, telles que ” The ConstruKction Of Light Part I “, ” FraKctured ” ou ” Larks’ Tongue In Aspic Part IV ” qui donne par moment l’impression d’écouter un vinyle à l’envers, ont quelque chose d’une plongée en apnée dans l’esprit d’un cerveau rongé par la folie. Hypnotiques, bizarres et peu mélodiques, elles ne sont même pas réellement (hormis le léger et très beau ” Into The Frying Pan “) accompagnées de rayons de soleil car les morceaux où apparaît la voix de Adrian Belew se voient généralement polluées par les interventions bordéliques à la limite de la cacophonie des autres instruments (” The World’s My Oyster Soup Kitchen Floor Wax Museum ” et son piano déglingué). En poursuivant par la présence de trois titres, l’album Larks’ Tongue In Aspic, le groupe inscrit en réalité ce douzième opus dans le sillage de la trilogie gravée avec John Wetton au chant entre 1973 et 1974 (on pense ainsi à ” Red ” ou à ” Fracture “). Mais quand ses prédécesseurs arrivaient toujours à émouvoir grâce à des perles belles comme un chat qui dort (” Starless “, ” Exiles “, ” Book Of Saturday ” ou ” The Night Watch “), The ConstruKction Of Light reste glacial et déshumanisé. Sans vie. Ce n’est pas un reproche. Même ” Coda : I Have A Dream “, nanti pourtant d’une bouleversante mélodie et de lignes de chant ad hoc de Belew est parasité par une folie lointaine et vicieuse. (16/12/07) ⍖⍖

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