Commençons par les choses qui fâchent (un peu) car, nous avons beau vénérer Ritchie Blackmore et le groupe qu'il mène avec sa muse depuis presque vingt-cinq ans maintenant (plus de temps qu'il n'en a donc passé dans Deep Purple !), Nature's Light n'est pas exempt de quelques reproches. Après quasiment six ans de silence discographique, période que l'ombrageux guitariste a occupé à réanimer Rainbow pour un résultat mitigé, n'ayant accouché que d'une poignée de concerts et de quelques singles dont le seul inédit 'Waiting For A Sign', nous étions en droit d'espérer plus que cette maigre livraison de dix titres dont, qui plus est, deux reprises du propre répertoire de Blackmore's Night ! Ainsi, combien nous aurions préféré découvrir deux nouveaux morceaux supplémentaires plutôt que ces relectures de 'Wish You Were Here' (déjà une reprise à l'origine) et plus encore ce 'Darker Shade Of Black', magnifique instrumental au demeurant, mais extrait du disque précédent et proposé dans une version à l'identique. Autre grief à mettre au passif de cet opus, la prise de son semble être d'un autre âge. Imperméable aux techniques actuelles, l'homme en noir serait inspiré de confier l'enrobage sonore de ses albums à un producteur extérieur et pas seulement au fidèle Pat Regan, qui le seconde derrière la console depuis The Battle Rages On de Purple. Enfin, plus anecdotique, la pochette aurait pu être dessinée par un enfant de quatre ans... Le livret est heureusement plus réussi.
Ces réserves énoncées, reconnaissons que le successeur de All Our Yesterdays (qui n'offrait pas grand chose de neuf) s'impose comme une agréable surprise, d'autant plus que l´EP Here We Come A-Caroling, publié il y a peu, sympathique à tout le moins, n'augurait pas d'une œuvre mémorable. Avec son ambiance de Noël, le premier single 'Once Upon December' confirmait nos craintes. Pourtant, la défloration de Nature's Light expose un menu finalement bien plus inspiré. Le couple ne déserte bien entendu à aucun moment le style qui a fait son succès, à savoir cette pop Renaissance que zèbrent avec parcimonie les effusions électriques du vieux maître mais ce retour aux affaires, après la parenthèse arc-en-ciel, distille nettement plus de charme que All Our Yesterdays. Si, comme nous l'avons souligné en préambule, le programme auquel il nous invite semble posséder un goût de trop peu, au moins délivre-t-il un ensemble impeccable, vierge de tout remplissage et autres temps morts. Chaque titre est ciselé à la manière d'un travail d'orfèvre, serti de mélodies inoubliables qui s'accrochent d'emblée à la mémoire. En cela, Nature's Light renoue avec l'esprit de Shadow Of The Moon et de Under The Violet Moon, juste comparaison que confirme la place occupée par Candice, derrière laquelle Ritchie s'efface. L'album est le ravissant fourreau de sa voix cristalline qui n'a cessé de gagner en profondeur et en émotion au fil du temps, comme en témoignent les merveilleuses pièces que sont 'Feather In The Wind' ou 'The Twisted Oak'. Discret, son ténébreux compagnon n'est toutefois pas en reste. Et comme toujours, nous guettons les (trop rares) sorties de sa légendaire Stratocaster. Quatre pistes se parent de son empreinte électrique reconnaissable entre mille. Aux côtés des déjà cités 'Darker Shade Of Black', qui aurait facilement pu se glisser au sein d'un album de Rainbow et 'Wish You Were Here', 'Der Letzte Musketier' est un instrumental aux surprenantes teintes bluesy, clin d'œil à l'un des premiers groupes dans lequel Blackmore a fait ses armes dans les années 60 (The Musketeers). Mais il y a surtout l'immense ballade rock 'Second Element', reprise de Sara Brightman, qui ferme le ban en beauté, fusion parfaite entre la puissance vocale de Candice et le jeu intact de Ritchie, aussi sombre que racé. En définitive, sans se hisser au niveau de The Village Lanterne ou de Secret Voyage, Nature's Light nous réconcilie avec Blackmore's Night après l'inodore mais plaisant All Our Yesterdays, opus équilibré et chaleureux irradiant un optimisme salvateur. Ce retour scellera-t-il la fin de Rainbow ou bien le ménestrel jonglera-t-il avec ses deux projets ? Connaissant son caractère tortueux et imprévisible, nul ne peut encore le prévoir... (20.03.2021 | MW) ⍖⍖⍖⍖
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