Pape du cinéma viscéral, malsain et étrange, David Cronenberg livre avec Videodrome son film le plus déroutant avant Le festin nu (1991), tissant un récit pour le moins obscur et complexe, pas toujours facile à suivre pour le spectateur perdu dans les délires organiques chers au réalisateur canadien. Malgré son côté tordu, le scénario demeure cependant haletant car il touche un sujet passionnant, la perception de la réalité, thème fascinant proche des obsessions de l'écrivain de science-fiction Philip K. Dick (Substance Mort). Cela permet au metteur en scène de donner libre court à son imagination malsaine et si personnelle. A maintes reprises, on perdu vite pied, au gré des délires du héros Max Renn. Videodrome en porte en lui la plupart des obsessions de David Cronenberg, telles que les mutations organiques (ici Renn se transforme peu à peu en magnétoscope vivant, qui avale des cassettes veineuses contenant des missions meurtrières) ou encore l'existence de sociétés secrètes prêtes à dominer le monde en propageant un mal à l'insu de tous, autant de thèmes récurrents que l'on retrouve dans Chromosome 3 (1979) ou dans Scanners (1980), par exemple. Même si cela n'est pas explicite, le film délivre une réflexion audacieuse et visionnaire sur le pouvoir des images et plus généralement des médias, la chaîne Videodrome ne diffusant pas uniquement des programmes mais une drogue aux allures de tumeur à laquelle il est impossible d'échapper. Comme avec ses œuvres précédentes, Cronenberg sait trouver des acteurs en phase avec ses fantasmes. Videodrome met en scène un couple inédit et sulfureux. James Woods s'avère toujours aussi psychotique et son suicide, lorsqu'il déclare "Longue vie à la Nouvelle Chair" constitue un moment vraiment intense. Le comédien trouve en Max Renn son premier rôle d'envergure depuis Les visiteurs d'Elia Kazan (1972) dans lequel il débuta, même si Tueurs de flics (1979) et Fast Walking (1982) témoignaient déjà peu avant d'un talent fiévreux qui ne demandait qu'à éclore. Sa partenaire n'est autre de Deborah Harry, trouble à souhait, mieux connue dans le monde de la chanson sous le pseudonyme de Blondie. Elle livre dans tous les cas une composition intéressante entre perversion et sensualité. Les acteurs, l'histoire, la musique de Howard Shore, les images et les effets spéciaux de Rick Baker, tout concourt à créer un climat d'envoûtement malsain et dérangeant. Videodrome clôt la première partie de carrière du réalisateur, celle qui l'a révélé au sein de l'underground. Ses films suivants toucheront un public plus large, sans que Cronenberg ne fasse la moindre concession commerciale. Dead Zone (1983) ou La mouche (1986) sont certes plus accessibles mais demeurent cependant fidèles à l'univers de celui qui les a enfantés. (vu le 10.01.2021) ⍖⍖⍖
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