S'il reste avec In Flames et Arch Enemy l'une des signatures les plus emblématiques du death mélodique à la suédoise, Dark Tranquillity n'a cependant pas rencontré un succès commercial équivalent. Moins néo que le premier, moins sexy que le second, le groupe a souvent semblé hésiter quant à la direction à suivre. Gothique sur Projector, électro sur Haven, plus moderne sur Character ou Fiction, les Scandinaves n'ont pas toujours été compris mais Atoma a toutefois réussi à faire consensus autant auprès des fans historiques que de ceux du dernier rang. Fort d'une carrière longue d'une trentaine d'années, ils n'ont désormais plus rien à prouver; ils avancent à leur rythme, prennent (de plus en plus) leur temps. Moment survient ainsi quatre ans après son prédécesseur. Ses auteurs aiment à le présenter comme un retour à l'ère Projector / Haven, la plus controversée donc mais pas la moins intéressante. Bien au contraire. Il est d'ailleurs permis de tenir le premier des deux parmi les plus inspirés du combo de Göteborg, avis qui n'est bien entendu pas partagé par tous. En outre, le départ du guitariste Niklas Sundin, membre fondateur avec le chanteur Mikael Stanne et le batteur Anders Jivarp, n'était pas de bon augure. Le recrutement de deux techniciens, Johan Reinholdz (Andromeda) et surtout Christopher Amott (ex Arch Enemy), n'a pas manqué d'attiser la curiosité - ou l'inquiétude, c'est selon. Pour toutes ces raisons, il était légitime de s'interroger sur la teneur de ce douzième effort. 'Phantom days' amorce l'écoute avec une accroche éprouvée qui installe l'auditeur dans un cadre confortable car bien connu.
Pourtant, très vite, on mesure que les Suédois n'ont pas menti en citant comme référence la doublette évoquée plus haut. Teintes électroniques et chant clair émaillent un menu furieusement mélodique, de 'Remain The Unborn' à 'The Dark Unbroken', de 'Ego Deception' à 'Eyes Of The World'. Il n'est donc pas certain que tout le monde s'y retrouve. C'est pourtant dans ces moments, que recouvre l'ombre de Haven, que l'opus se montre le plus convaincant. Dans une veine plus agressive, 'Transient' et 'Identical To None' ne déçoivent néanmoins absolument pas. Nous n'en dirons toutefois pas autant des 'Empires Lost To Time', 'A Drawn Out Exit' ou 'Failstate' qui, serrés dans une seconde moitié inodore, peinent à s'incruster dans la mémoire. D'une fin de parcours sans saveur particulière, seul le tendre 'In Truth Divided', dans ce registre glacial et mélancolique qui sied si bien à Dark Tranquillity, se détache, grâce à la performance de Mikael Stanne et au jeu racé de Christopher Amott. A ce titre, Moment ne saurait évidemment susciter la moindre réserve. Selon sa bonne habitude, le chanteur excelle tant dans les growls que lors de ses envolées limpides et délicates. Rarement il aura d'ailleurs su exprimer un tel désespoir. Quant aux nouvelles recrues, elles se fondent avec intelligence dans le moule de Dark Tranquillity sans chercher à le modifier... au risque de décevoir ceux qui attendaient de cette galette une usine à riffs. Ce qu'elle n'est donc pas. Finalement, Moment laisse une impression mitigée, œuvre techniquement solide mais trop inégale pour en faire un incontournable des Suédois. Ses meilleurs passages demeurent ceux où l'empreinte de Projector et de Haven s'avère la plus marquée, ce qui ne fera pas l'unanimité. Après le consensuel Atoma, son successeur ne manquera certainement pas de diviser les fans mais il dévoile un groupe sincère et toujours aussi attachant. (22.11.2020 | MW) ⍖⍖
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