Plus les années passent plus Imago Mortis étire la durée séparant chacune de ses offrandes. Il nous aura ainsi fallu patienter pas moins de six ans pour enfin goûter la semence impie des Italiens après un Carnicon de très bonne mémoire. Comme toujours du reste. Car, non content d'être un des plus vieux groupes de black metal de la péninsule encore en activité, le trio demeure avant tout un imperator au sein de cette chapelle méditerranéenne parfois moquée mais pourtant taulière d'un charme ténébreux qui n'appartient finalement qu'à elle. C'est pourquoi nous guettons chaque nouveau signe de mort (plutôt que de vie) du vénérable Abibial et de ses deux compagnons, le guitariste Scighera et le batteur Axor, qui l'accompagnent depuis suffisamment longtemps pour souder un line-up désormais stable. Toujours hébergés par Drakkar Productions, les Bergamasques livrent donc cette année Ossa Mortuorum e Monumentis Resurrectura, qui n'est que leur quatrième opus. Son visuel cryptique annonce un contenu fidèle à cet art noir que ses auteurs érigent depuis vingt-six ans, nocturne et mélodique, sinistre et atmosphérique, tout ensemble. Six plaintes remplissent un menu trapu long de trois quart d'heure. Véritables mécaniques d'orfèvre, on devine derrière chacune d'entre elles un superbe travail d'écriture, où ni les arrangements ni les ambiances n'ont été sacrifiés sur l'autel d'une férocité macabre qui enfonce néanmoins ses crocs dans leur chair lacérée de plaies. A l'écoute notamment de 'Horribile Cose Che Nè Boschi', on mesure à quel degré de maîtrise le groupe est parvenu, bâtisseur d'une architecture labyrinthique où la puissance la plus abrasive s'accouple à des respirations acoustiques sur fond de narration incantatoire que la langue italienne, loin d'en siphonner l'encre brune, lui confère une aura plus diabolique encore. Torrentueux, ces titres ouvrent les vannes d'une noirceur parfois véloce ('Nera Mistica', 'Finchè Morte') le plus souvent perfide en cela qu'un éther ténébreux vient les engourdir, témoin le monumental 'Pactum Est' qui abrite dans son antre, emphase incantatoire, morsures quasi thrash et reflux funèbre sur plus de huit minutes enveloppantes. Selon son habitude, Imago Mortis pousse la porte d'un monde caverneux écrasé par la nuit où se découpent moulin des supplices et temple de la folie. Baignant dans les couleurs d'un Moyen-âge obscur, son art pourrait servir de bande-son au Nom de la rose de Umberto Eco, à l'image de '... In Librio Diaboli', épilogue sépulcral hanté par de sombres chœurs liturgiques. Si l'occultisme reste leur principal combustible, peintres de tentaculaires messes secrètes, les Italiens auscultent surtout les recoins les plus noirs de l'âme humaine où se nichent les perversions les plus inavouables. La durée dilatée de leurs compos pose le cadre d'un black metal aussi vicieux que reptiliens dans les replis duquel sont tapies d'inquiétantes silhouettes. Orthodoxe et intemporel dans son expression d'un art ombrageux, Imago Mortis affirme sa domination sur le metal noir de la péninsule avec cette œuvre d'une grande richesse aux allures de tableau grouillant de détails et de trésors. (30.08.2020 | LHN) ⍖⍖⍖
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