Yuri Gagarin est quand même un groupe un peu paresseux car depuis 2013 seules trois rondelles ont coulé sous les ponts. Et cinq (trop) longues années séparent "At The Center Of All Infinity" de "The Outskirts Of Reality". Nous étions même nombreux à nous demander si les Suédois se délesteraient un jour d'une nouvelle galette ! Mais la voici pourtant, habillée, encore une fois, d'un visuel de toute beauté. Le troisième album est généralement considéré comme une étape importante dans la carrière d'un groupe, d'autant plus lorsque son devancier, nonobstant de belles qualités, ne s'est pas tout à fait hissé au niveau du chef-d'œuvre originel. Nous en étions donc là avec Yuri Gagarin, auteur d'un premier jet orgasmique, véritable pierre angulaire d'un space rock à la fois lourd et stellaire auquel succéda un "At The Center Of All Infinity" au demeurant superbe quoique moins jubilatoire, son précieux suc caché dans les replis d'une intimité plus difficile d'accès. Qu’en est-il de "The Outskirts Of Reality" ? Commençons par les choses qui fâchent (un peu). Après cinq ans de silence et une attente interminable, nous aurions aimé déflorer une offrande plus étoffée, laquelle est par ailleurs mitée par un intermède ambient qui ne sert pas à grand-chose même si, par ses effluves cosmiques inquiétantes, il se glisse parfaitement dans ce programme spatial. Soulignons également la place en fin de parcours d'une piste au faux air de 'The Long Rip', qui constituait le point d'orgue du premier album et dont il semble n’être de prime abord qu'une simple resucée (nous y reviendrons). Ces menues réserves énumérées, reconnaissons que "The Outskirts Of Reality" ne déçoit pas.
Exception faite de 'Laboratory 1', l'opus s'articule donc autour de quatre pistes au format généreux (entre huit et treize minutes au compteur), agrégées en un menu trapu auquel une prise de son assez rude confère la dureté rocailleuse propre à nos cosmonautes suédois. Cette façon très heavy de cultiver un rock psyché aux accents cosmiques constitue tout le sel de la musique, davantage sculptée que tricotée, par Yuri Gagarin. Ce qui se vérifie encore davantage avec cet opus que l'énorme 'QSO', tout en tension moelleuse, ouvre de la plus puissante et acérée des manières, éruption voluptueuse crachée par le volcan d'une lointaine planète. En dix minutes, le point G est atteint. De son côté, 'Oneironaut' s'impose comme un bijou de psychédélisme velouté dans la lignée d'Electric Moon et plus encore d'Ash Ra Tempel (on pense fortement aux travaux de Manuel Göttsching sur le "In Blue" de Klaus Schulze), longue échappée sonore où une guitare stratosphérique explore de mystérieuses contrées aux confins de la galaxie. La jouissance se poursuit avec 'Crystal Dunes', épopée à travers le désert d'une envoûtante beauté que la six-cordes propulse très haut vers les étoiles en un final orné d'arabesques orientalisantes. Enfin, s'il paraît de fait recycler tout un pan de 'The Long Rip' avec lequel il partage un même élan, une même liberté gourmande, le terminal 'The Outskirts Of Reality' n'en achève pas moins l'écoute en apothéose, piloté par le manche démesuré de Christian Lindberg que nimbent les effluves spatiales échappées d'un synthétiseur venu d'ailleurs. A la fois égal en force jouissive avec le galop d'essai et plus direct que "At The Center Of All Infinity", ce troisième album voit Yuri Gagarin se renouveler avec intelligence, fidèle à son heavy space rock dur et aérien tout ensemble, qu'il bétonne d'une myriade d'idées merveilleuses, livrant la bande-son d'une exploration spatiale pleine de dangers et de trésors. L'attente n'a donc pas été vaine... (20.03.2020 | Music Waves) ⍖⍖⍖⍖
A lire aussi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire