Si on aime associer l'art noir québécois à une forme d'autarcie patriotique, porte-étendard des particularismes propres à cette enclave francophone qui lui servent de terreau, certains de ses artisans choisissent pourtant de ne pas insister sur leurs racines tant géographiques qu'historiques, préférant notamment recourir à l'anglais plutôt à la langue de Molière, généralement de mise dans ce landerneau. Tel est le cas de Issfenn par exemple. Ce nom ne vous dira peut-être rien, il faut dire que depuis un premier jet éponyme en 2011, le duo n'avait plus donné signe de mort, jusqu'à ce Mordwand résurrectionnel. Deux âmes cimentent donc ce projet, Xost, qui assure guitare et chant, et Vitrid qui s'occupe du reste (batterie, basse ainsi que certaines vocalises), par ailleurs actif derrière la console (il a enregistré et mixé le récent EP de Anges de la mort). Leur travail est révélateur, à la fois d'un professionnalisme affirmé, ce que traduisent un livret soigné et la présence au mastering de Colin Marston (Krallice), peu habitué à mêler son nom à de médiocres formations, ainsi que cette façon de planter leur manche acéré dans le permafrost norvégien dont le binôme extrait sa sève glaciale et tranchante. Marchant dans les pas des Grands Anciens scandinaves, Immortal en tête (White Death), Issfenn sculpte un black metal dont l'orthodoxie ne lui interdit pas de faire souffler un blizzard tourbillonnant à geler sur place un caribou. Intenses et ténébreuses, ces saillies s'enfoncent dans un monde nocturne figé par l'hiver, emportées par un torrent de glace (Saturn Return). La forme binaire du groupe lui commande une expression brut et bouillonnante qui l'entraîne dans une ravine fielleuse sabrée de crevasses presque thrash (Within Is Throat Of Ice ou bien Down In The Abyss, Roar The Satanic). S'il brille parfois de (faibles) lueurs mélodiques, à l'image The Feast et les griffures qui le lacèrent, cependant que les atmosphères, forcément d'une sombre froideur, ne le déserte pas tout à fait (Feefall In A Wishing Well, mid tempo épique aux ramifications multiples), Mordwand n'en épouse pas moins les traits d'une agression féroce dont toute trace d'émotion est éconduite, réservoir d'un black metal sans afféterie ni compromis, cru et néanmoins extrêmement travaillé, dressant dans une nuit glaçante d'inquiétantes et décharnées silhouettes... (28.03.2020 | La Horde Noire) ⍖⍖
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