Au risque d'insister, on ne soulignera pourtant jamais assez combien In This Moment vaut mieux que l'image aguicheuse à laquelle aiment le réduire ses détracteurs. Car les Américains n'ont eu de cesse de grandir, d'étoffer leur art qui a su depuis longtemps dépasser les frontières du metalcore, gros mot auquel ses débuts ont été associés. Le puissant Atlantic ne s'y est d'ailleurs pas trompé, flairant dans cette formation autre chose que le véhicule d'une chanteuse à forte poitrine destiné à émoustiller de boutonneux ados ricains. In This Moment n'est pas Butcher Babies ! "Black Widow" (2014) et plus encore "Ritual" (2017) ont très justement démontré qu'il fallait compter sur Maria Brink et sa bande, grand groupe tout court, détenteur d'une personnalité bien trempée et d'un style qui peu à peu se dessine, bien plus riche qu'il n'y paraît. Alors certes sans sa blonde figure de proue, alliant charisme licencieux et registre vocal aussi puissant que changeant, et avec laquelle il se confond, le combo californien ne serait pas ce qu'il est. Et son succès non plus. "Mother", son septième effort (déjà !), la met bien sûr en avant, ne serait-ce que par son titre à la symbolique très forte. Il revêt ainsi de nombreuses significations, évoquant aussi bien la "mère nature", source de vie, que la Vierge, mère de tous, représentation qui n'est certainement pas pour déplaire à la chanteuse dont on sait que la religion l'a toujours inspirée et dont le prénom, Maria, est un dérivé de Marie. Madone charnelle exsudant le désir, on la devine trônant au centre de la pochette de l'album, les courbes généreuses de son corps appétissant à peine gommées par un voile d'une blancheur virginale, la tête ceinte d'une couronne comme une évidente auréole.
Le morceau qui donne son nom à l'opus ou bien 'Holy Man' et 'God Is She' témoignent d'un questionnement spirituel qui ne cesse de hanter la belle. Usant d'une voix suave, presque plaintive par moments, comme un râle de jouissance ('Lay Me Down'), elle distille une religiosité trouble écartelée entre le bien et le mal. Tour à tour sucré ou énervé, son chant incarne admirablement cette dualité. Mais encore une fois, réduire In This Moment à la seule présence, aussi magnétique soit-elle, de Maria serait regrettable tant (et plus que jamais) celle-ci trouve dans des chansons ciselées comme un travail d'orfèvre, un écrin précieux. De fait, "Mother" impressionne autant par sa partition foisonnante que par la palette pleine de nuances dans laquelle sont trempés ses pinceaux, loin, tellement loin du metalcore que le groupe porte encore comme une maladroite étiquette. Du lourd et sombre 'Fly Like An Eagle' à l'émouvante respiration finale 'Into Dust' où la prêtresse n'est accompagnée que d'un piano et d'orchestrations discrètes, le menu illustre l'ambition et l'exigence dont les Américains font désormais montre. De ce retable, nous retiendrons notamment le pulsatif 'The In-Between', l'électro 'As Above So Below' ou bien encore le trippant 'Born In Flames' au galbe lascif. Au milieu, nous sommes tous étonnés de croiser une reprise du 'We Will Rock You' de Queen que Maria partage avec Lizzy Hale de Halestorm et Taylor Momsen de The Pretty Reckless, relecture aussi personnelle qu'inspirée. N'oublions pas de souligner enfin la chanson-titre, épicentre de l'écoute, que farde une atmosphère immersive. "Mother" est donc encore une fois un très grand disque, imaginé par un groupe au talent sans limite qui continue de peaufiner son art. Metalcore ou metal alternatif, peu importe l'étiquette qu'on lui collera, cet album abrite un metal ancré dans son temps, sombre et sensuel, riche d'une profondeur de ton et de trait. (22.03.2020 | Music Waves) ⍖⍖⍖
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