30 avril 2020

José Giovanni | Dernier domicile connu (1969)




D'abord écrivain, puis scénariste de quelques uns des meilleurs films (d'hommes) français des années 60, de Classe tous risques au Trou, des Aventuriers au Deuxième souffle sans oublier Les grandes gueules, José Giovanni passe ensuite naturellement à la mise en scène en 1967 avec La loi du survivant, galop d'essai curieux mais inabouti. Bien plus maîtrisée demeure sa deuxième expérience derrière la caméra, ce Dernier domicile connu où, avec habileté, il coule dans un décor francilien un roman pourtant américain. Il s'agit d'un polar sans véritable action (hormis un passage à tabac particulièrement réaliste dans sa brutalité sèche) dont le rythme puise avant tout dans le score mélancolique battant les pavés d'une manière obsédante que signe François de Roubaix, compositeur emblématique du cinéma hexagonale de cette époque. 



Sa caméra colle aux pas de ces deux personnages principaux, un couple de policiers, lui le vieux cheval qui a connu les honneurs puis la déchéance, elle, jeune recrue provinciale, candide et issue d'un confortable milieu. Ils nous baladent dans un Paris qui a, pour une bonne part, disparu, de la cité de la Glacière à la rue Montmartre, du quartier de Belleville à la rue de la Butte-aux-Cailles, suivant la trace d'un témoin dans une affaire criminelle, qui peu à peu se matérialise au gré des renseignements glanés. Course contre la montre, Dernier domicile connu se réduit pourtant à des visites dans des écoles, bistrots et pharmacies que peuplent des gueules de cinéma comme on les aime (Michel Constantin, Paul Crauchet en voisin lunaire et poétique, Dominique Zardi en maniaque des salles de quartier, Marcel Pérès, Jean Sobieski...) sans compter toute une galerie d'inconnus notoires (Bernard Musson, Jacques Gailland, Pierre Frag...). Malgré tout, Giovianni réussit à nous captiver. Pour cela, il peut s'appuyer sur son magnifique duo de comédiens, Marlène Jobert, craquante et Lino Ventura avec son mélange unique de puissance et de tendresse. Il est remarquable dans la peau de ce flic désabusé et taiseux qu'un simple regard suffit à exprimer ce qu'il ressent pour sa jolie coéquipière tout en sachant qu'il est déjà trop tard pour lui... C'est avec une certaine nostalgie qu'on visionne aujourd'hui cette oeuvre désenchantée empreinte d'une profonde amertume, dépeignant une police qui ne soutient pas ses effectifs à la moindre médiatique et jette aux loups le témoin qu'elle est censée protéger. Loin d'avoir sauvé l'homme et sa fillette tant recherchés, Marceau Leonetti et Jeanne Dumas auront finalement brisé leur vie. C'est vidée et dégoûtée que la jeune femme démissionnera, laissant seul son partenaire qui, lui, a perdu depuis longtemps ses illusions... Un des plus beaux polars français des années 60/70, tout simplement. Exception faite de Deux hommes dans la ville, Giovanni ne fera pas mieux.  (vu le 25.04.2020)

De José Giovanni avec Lino Ventura, Marlène Jobert, Michel Constantin, Paul Crauchet, Jean Sobieski, Marcel Pérès, Jacques Gailland, Bernard Musson, Dominique Zardi...


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