8 janvier 2017

Clint Eastwood | Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997)


Troisième film que Clint Eastwood réalise sans être aussi devant la caméra, Minuit dans le jardin et du bien et du mal constitue son œuvre la plus singulière. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il n’apparaît pas dans celui-ci, préférant se concentrer sur cette histoire adaptée d’un roman à succès de John Berendt, lui-même inspiré d’un fait divers authentique survenu en 1981.
Le film s’avère difficilement classable tant il se place à la frontière de plusieurs genres. C’est à la fois une enquête policière, un film de procès, un conte fantastique et parfois une comédie. Comme souvent chez Eastwood, le récit s’articule autour d’un héros qui pénètre au sein d’une communauté. Journaliste à New York, John Kelso (John Cusack, impeccable) est invité à Savannah afin de couvrir une fête annuelle organisée par le nabab de la ville, Jim Williams. Mais si d’habitude le héros eastwoodien agit et transforme (en bien ou en mal) la communauté qui l’accueille, tel le cavalier solitaire de Pale Rider, Kelso se comporte davantage en observateur qu’en véritable acteur. Il est en quelque sorte le regard du spectateur. Ainsi, en même temps que lui, nous découvrons peu à peu la ville de Savannah, sa population bigarrée et ses mœurs. De fait, ce film au rythme lent s’apparente plus à une promenade où se croisent toute une galerie de personnages pittoresques et excentriques, qu’à une histoire policière qui semble finalement presque secondaire. Le cinéaste confère à la ville de Savannah un climat envoûtant, irréel, parfois au bord du fantastique (les visites au cimetière, le personnage de Minerva et cette justice divine qui, à la fin de l’histoire, punit Jim Williams pour le crime qu’il a commis) qui doit beaucoup à ses curieux habitants que rencontre le journaliste au fur et à mesure de son enquête : Lady Chablis, un (e) véritable drag queen, Minerva la sorcière noire, Luther et ses mouches (Geoffrey Lewis qui retrouve Clint pour la septième fois), l’homme qui promène un chien qui n’existe pas, et bien sûr, Williams, sorte de dandy homosexuel, énigmatique et fascinant, évoluant à la frontière entre le bien et le mal. Dans un rôle que George Sanders et sa voix suave aurait autrefois pu tenir, Kevin Spacey livre une composition ambiguë particulièrement savoureuse et pleine de finesse. Minuit dans le jardin du bien et du mal s’interroge aussi sur la notion de vérité. La vérité existe t-elle ? Que s’est-il réellement passé la nuit du meurtre ? Habilement, Clint Eastwood choisit de filmer le crime selon différentes manières, en fonction des déclarations de Williams. « La vérité, comme l’art, se trouve dans le regard du spectateur » prêtant t-il d’ailleurs. De plus, le film dénonce le poids des préjugés et les difficultés que le fait d’être différent imposent au sein d’une communauté soi disant cosmopolite. Autrefois admiré pas toute la jet set de Savannah, Williams, une fois suspecté de meurtre et son homosexualité publiquement mise à nue, se retrouve seul, ne pouvant plus compter sur ses amis. C’est d’un journaliste extérieur à la communauté et d’un(e) marginal(e) qu’il devra une partie de son salut éphémère. Cette vingtième réalisation de Clint Eastwood connaît un échec lors de sa sortie en salles. Sa longueur et sa lenteur ont sans doute rebuté le public. Cependant, il démontre encore une fois l’éclectisme du cinéaste et offre à Kevin Spacey un de ses meilleurs rôles à ce jour. 



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