On ne soulignera jamais assez toute la noirceur
cryptique suintant de nombreuses hosties lusitaniennes. Des plus exposés
(Moonspell, Ava Inferi) aux plus obscurs (Irae, Bosque), bien des groupes
portugais possèdent cette faculté rare d'avaler jusqu'à la plus petite trace de
lumière. Il n'est donc pas surprenant que le Funeral Doom ait essaimé dans la
péninsule car le genre y trouve l'humus mortifère idéal pour proliférer. Les
apôtres de cette chapelle ne s'expriment toutefois pas de la même manière que
leurs frères de douleur scandinaves. Pas de langueur glaciale léchant de vastes
étendues gelées ici mais au contraire un art aux atours souvent abrupts,
presque granitiques et dont les racines Black metal font plus qu'affleurer à la
surface, ce qu'illustre Carma dont cette offrande éponyme est aussi la
première. Mystérieux, le groupe n'offre aucune information quant à
l'identité de ses membres. Il ne reste donc plus que la musique, pétrifiée,
suffocante. Noire. Après 'Sonhos' un prologue squelettique que tissent clavier
endormi et guitare grêle, l'écoute plonge d'un coup dans les arcanes de la
terre avec l'effrayant 'Procissão', bathyscaphe caverneux long de près de 8
minutes que hantent râles d'outre-tombe, accords sinistres et rythmique
léthargique. Pourtant, le tout, non dénuée d'une forme de beauté souterraine,
n'est parfois pas loin de sonner presque mélodique. Tout est relatif, bien
entendu. Impression confirmée ensuite par 'Feto' dont les premières mesures
entre post Rock et Shoegaze sont toutefois et heureusement vite phagocytées par une
noirceur de grotte ténébreuse dont les parois subissent les secousses d'une
guitare ferrugineuse. Plus proche de l'école britannique dont on retrouve chez
lui ses mêmes lignes de six-cordes engourdies par une absolue inexorabilité,
Carma racle les chairs avec un sens de l'épure froide et minérale, à l'image de
'Reflexo', lente descente au fond d'un puits sans fin, qu'éclaire néanmoins un
pâle rai de lumière. Que dire aussi de 'Lamento', véritable procession
funéraire sans aucun espoir de retour dont les coups de boutoir résonnent comme
d'ultimes battements de cœur. Nous
tenons donc là une de ces petites offrandes au charme obscur que seul
l'underground le plus crépusculaire peut enfanter. (2015)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire