12 avril 2014

KröniK | Shape Of Despair - Angels Of Distress (2001)




Si aujourd'hui il a tout de même beaucoup perdu de sa superbe, l'électro-encéphalogramme qui ne s'anime que timidement au moment de rares et maigres sorties (une compilation, un EP, un split en presque dix ans !), Shape Of Despair était pourtant auréolé à ses débuts à l'aune des années 2000 d'une épaisse aura de mystère, projet alors quasi anonyme dont les membres se cachaient derrière de simples initiales. D'une certaine manière, c'est en dévoilant l'identité de son line-up, qui réunit en réalité des musiciens issus de formations telles que Rapture ou même Finntroll, que l'entité a perdu une bonne part de ce charme lugubre, devenant ainsi un groupe comme un autre. Venu des froides contrées finlandaises, Shape Of Despair poursuit le travail entamé et laissé  en jachère par ses compatriotes Thergothon et Unholy et que l'on commence à ce moment là à nommer funeral doom. D'une lenteur et d'une opacité extrêmes, son premier album, "Shades Of..." en poussant à son paroxysme cet art de la langueur mortuaire, semble être le fruit d'une créature tapie dans un blizzard nocturne. Glacial, cet essai est très vite considéré comme une pierre angulaire de cette nouvelle chapelle, sinistre et suicidaire. Aller plus loin, s'enfoncer plus profondément encore dans les abîmes paraît alors impossible. Son successeur n'en était pas moins attendu comme une promesse funeste. Si certains regretteront le départ de son chanteur historique, Tony Mäensivu, dont la voix caverneuse ne fut pas étrangère à la noirceur frissonnante qui engluait le premier opus, son remplaçant, qui n'est autre que Pasi Koskinen (Ajattara, Amorphis), entraine pourtant "Angels Of Distress" au fond d'une nuit sans fin. Moins lugubre que sa devancière, l'offrande atteint néanmoins des sommets de beauté, une beauté tragique engluée dans un froid polaire. Son écoute évoque les carreaux d'une fenêtre contre lesquels le noir frimas s'amasse, silhouette oppressante chargée d'une sourde mélancolie. Plus tristes que suicidaires, ces plaintes égrènent un profond chagrin, celui que l'on ressent lors de la perte d'un être cher, elles invitent à une forme de recueillement, à l'abandon face à une vie morne, au but dérisoire, sentiments qui trouvent leur illustration la plus aboutie avec '... To Live For My Death...', lente marche funéraire qui creuse le puits sans fin d'une tristesse solitaire. Du haut de ses 17 minutes,  rarement il nous aura été donné de ressentir une telle douleur que soulignent une voix féminine vaporeuse et des lignes de violon mortuaires figées dans une nuit hivernale. Encadré par deux sentinelles plus courtes, instrumentales ('Night's Dew') ou presque (le bien nommé 'Fallen'), "Angels Of Distress" épouse la forme de trois longs sanctuaires dont les contours flous s'effacent dans un brouillard glacial que peuplent des mélopées spectrales, appel des limbes qui envoûte et engourdit. Moins abyssal et terrifiant que son aîné, ce deuxième opus le complète d'une façon admirable, polissant cette sépulture prisonnière d'une gangue de givre, chef- d'oeuvre du funeral doom dont elle a fixé le style, plus proche parfois de l'ambient que du pur doom. Shade Of Despair ne fera jamais mieux par la suite mais "Ilusion's Play'en achevant cette évolution, le verra ainsi quitter le port figé dans les glaces pour une étendue plus atmosphérique bien que toujours aussi belle. (cT14)


Funeral Doom | 54:56 | Spinefarm Records | FB



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