KröniK | Agalloch - Ashes Againt The Grain (2006)

Il est des disques qui ont le pouvoir - rare - de changer une vie. Ashes Against The Grain est de ceux-ci. D'une certaine manière, cette chronique pourrait s'arrêter là, ces quelques mots suffisant à résumer la valeur de son sujet. Mais, comme il faut tout de même en dire davantage, nous allons donc poursuivre. Et dieu, qu'il y en a des choses à dire sur cet album dont le terme chef-d'œuvre que l'on serait tenté de lui accoler, n'est, pour une fois, pas galvauder ni exagéré. Nous pourrions évoquer son intriguante pochette où ne figure ni nom ni titre à même de nous éclairer quant à un contenu que l'on devine forcément précieux. Nous pourrions évoquer cette lente élévation atmosphérique où culminent les atours Post-Rock des Américains ouvrant les dix minutes que durent "Limbs", gemme terreux pour moitié instrumental, d'une beauté aussi immense que douloureuse dont les sombres ramifications permettent au groupe de renouer avec ses racines Dark.

Nous pourrions citer le triptyque "Our Fortress Is Burning", gigantesque ensemble qui reste à ce jour ce que ses auteurs ont fait de mieux, de plus pur surtout, de sa première partie en forme de montée en puissance déchirante à "Bloodbirds", vibrant au son stratosphérique libéré par la guitare de Don Anderson, certainement un des musiciens les plus doués de sa génération, en passant par le quasi Ambient et inquiétant "The Grain", chacun des trois maillons s'enchaînant l'un à l'autre pour aboutir à un retable d'une flamboyance crépusculaire. Nous pourrions aussi... Mais non. Inutile de poursuivre cette litanie qui a toutefois le mérite de souligner l'extrême richesse de cette troisième offrande d'un Agalloch au somment de son art. Quatre ans après The Mantle, dont Ashes Against The Grain reprend la direction artistique moins Black-Metal et plus progressive tout en la propulsant vers un sentier encore vierge, long tunnel parsemé de diverses créations périphériques mais non moins essentielles (deux EP et un très beau split partagé avec Nest), les Américains paraissent avoir atteint leur maturité, accouchant d'une œuvre d'une dimension aussi mystique que mythologique, véritable ode à la puissance du feu, ravivant un culte séculaire et païen qui perdure à travers les âges. D'une allure instrumentale particulièrement marquée, grâce aux longues mises en bouche que chacun de ses titres égrène, Ashes Against The Grain se révèle être un disque très sombre, peut-être même le plus noir des Américains, corollaire de cette esthétique extraite du cœur de la terre elle-même, matière crépitant en forme d'un tout indivisible et ténébreux (témoin cette roue solaire apparaissant au détour d'une page du livret), illustrant plus que jamais l'inspiration visionnaire d'Agalloch, lequel gagne ici ses lettres de noblesse et l'accès à un succès grandissant et O combien mérité. Celui-ci fera-t-il mieux par la suite ? Nonobstant la qualité de The White et surtout celle de Marrow Of The Spirit, il est permis d'en douter. Quintessence d'un art en perpétuelle évolution, Ashes Against The Grain peut à juste titre être considéré comme une des pierres angulaires du Metal contemporain. Rien de moins ! (19.12.2011) ⍖⍖⍖⍖

There are records that have the power - rare - to change a life. Ashes Against The Grain is one of them. In a way, this chronicle could end there, these few words enough to summarize the value of his subject. But, as we still need to say more, we will continue. And God, there are so many things to say about this album whose term masterpiece, which we would be tempted to associate with it, is, for once, not overused or exaggerated. We could mention its intriguing cover, where there is no name or title to shed light on a content that we can only imagine is precious. We could mention this slow atmospheric rise where the Americans' Post-Rock attire culminates in the ten minutes of "Limbs", an earthy gem half instrumental, of an immense and painful beauty whose dark ramifications allow the group to reconnect with its Dark roots. We could mention the triptych "Our Fortress Is Burning", a gigantic ensemble that remains to this day what its authors have done best, especially purest, from its first part in the form of a heartbreaking rise in power to "Bloodbirds", vibrating with the stratospheric sound liberated by the guitar of Don Anderson, certainly one of the most gifted musicians of his generation, passing through the almost Ambient and disturbing "The Grain", each of the three links linking up to each other to result in an altarpiece of a twilight flamboyance. We could also.... But no, no, no. There is no need to continue this litany, which nevertheless has the merit of underlining the extreme richness of this third offering of an Agalloch at the top of his art. Four years after The Mantle, whose artistic direction Ashes Against The Grain takes over less Black-Metal and more progressive while propelling it towards a still virgin path, a long tunnel dotted with various peripheral but no less essential creations (two EPs and a very beautiful split shared with Nest), the Americans seem to have reached maturity, giving birth to a work of such a mystical and mythological dimension, a true ode to the power of fire, reviving an age-old and pagan cult that continues throughout history. With a particularly marked instrumental allure, thanks to the long appetizers that each of its titles egrene, Ashes Against The Grain turns out to be a very dark disc, perhaps even the blackest of Americans, a corollary of this aesthetic extracted from the heart of the earth itself, a crackling material in the form of an indivisible and tenebrous whole (witness this solar wheel appearing at the turn of a page in the booklet), illustrating more than ever Agalloch's visionary inspiration, which here wins its letters of nobility and access to a growing success and how much deserved. Will it do better in the future? Notwithstanding the quality of The White and especially that of Marrow Of The Spirit, it is doubtful. The quintessence of an art in perpetual evolution, Ashes Against The Grain can rightly be considered as one of the cornerstones of contemporary Metal. Nothing less! (19.12.2011)