Dans
une interview, Rami Hippi, le boss du label Firebox, l’un de nos revendeurs
préférés en matière de doom, a récemment déclaré que les groupes du sud de
l’Europe ne pourront jamais être aussi froids et sombres que ceux venant du
Grand Nord. Shattered Hope, que certains ont peut-être découvert lors de la
seconde édition du festival Doom Over Paris en 2008, vient, un peu malgré lui,
de confirmer cette affirmation. Car il n’y a rien à faire, on a beau se passer
en boucle ce premier psaume des Grecs, qui survient tout de même trois ans
après la seconde démo, on ne parvient pas à ressentir totalement ce sens de la
dépression abyssale que seuls les Finlandais ou les Anglais, à quelques
exceptions près, réussissent véritablement à formuler. Cela ne fait pas
d'Absence un mauvais disque pour autant, bien au contraire, mais trop souvent
les longues plaintes qui en forment l’ossature se voient adoucir par un aspect
un peu mielleux regrettable. Il n’y a qu’à écouter la manière dont le groupe
fait sonner les claviers pour mesurer la différence, mieux le gouffre, qui le
sépare d’un Shape Of Despair ou pire encore, d’un Tyranny, dont personne n’a
encore surpassé les monumentales excavations. De plus, Shattered Hope hésite
trop entre deux voies à emprunter : d’un côté, la descente au fond des fosses
Marianne, et de l’autre, la beauté désespérée et un peu romantique du UK Doom,
qui s‘exprime notamment par l'utilisation du violon. Si dans la première, ils
s’en sortent plutôt bien, quand bien même on est loin de la noirceur tellurique
d’un Evoken ou d’un Ataraxie auxquels les Athéniens font penser, dans la
seconde en revanche, ils peinent à émouvoir comme pouvait le faire jadis My
Dying Bride ou Anathema, la faute à des guitares qui ne pleurent pas
suffisamment la souffrance tant espérée de leurs parts. Prenez par exemple le
long "Amidst Nocturnal Silence", qui ouvre la marche funéraire. Toute
sa première partie dérive au bord d’un abîme insondable avant qu’un final aussi
maigrelet que (presque) raté, ne vienne grever la très bonne impression laissée
jusque là. Ceci étant, Absence reste un disque au-dessus de la moyenne au sein
de la production doom courante, mais il souffre d’être (trop) écartelé entre
noirceur et souci mélodique. C’est dommage car il recèle pourtant de très
bonnes choses, à l’image des vingt minutes que durent "The Utter
Void" ou "Vital Lie", que lacèrent des accélérations salvatrices
car elles viennent perturber le monolithisme de l’ensemble. Les amateurs de
doom-death des cavernes prendront plaisir à l’écouter tout en lui reconnaissant
des faiblesses qui l’empêchent d’atteindre son but. De fait, Shattered Hope
serait inspiré de se concentrer à l'avenir sur les traits les plus mortifères
de sa personnalité. (2010)
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