On avait bien senti avec Deadlands en 2002 que l'identité de Madder Mortem était parvenue à maturité. L'évolution qui a vu le groupe quitter les rivages du doom atmosphérique de ses débuts avec Mercury pour accoster les terres d'un metal franchement singulier était ainsi désormais achevée. Et depuis, les Norvégiens s'emploient à façonner encore un peu plus leur son, leur personnalité mais sans s'éloigner du cadre établi par leur troisième opus. De fait, Eight Ways, dont le visuel est absolument superbe, s'inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur, l'excellent Desiderata, enfanté il y a maintenant trois ans. Décrire le travail de Madder Mortem n'est jamais chose aisée. Lourdes et froides, ses compositions offrent une densité digne de celle du Japon ; ramassées et tendues, elles déroulent des paysages d'où ruissèle un fluide totalement désespéré, gouvernés par ces guitares accordées plus bas que terre ("The Little Things") et surtout cette voix, la voix d'Agnete, tout à tour puissante, émotionnelle quand elle n'est pas hystérique ("A Different Kind Of Hell"). Sorte de Mike Patton avec des seins, la chanteuse constitue l'élément le plus personnel de cette musique qui ne ressemble à aucune autre et que l'on reconnaît dès l'inaugural "Formaldehyde". Dark, doom, gothic ? Qu'il est bien difficile de mettre un terme, des mots sur celle-ci tant elle échappe en réalité à toute classification. Ce qui est certain en revanche est qu'il y a toujours quelque chose qui ne tourne pas rond dans ces titres à tiroirs. Madder Mortem sait injecter un poison dans son art, il possède la capacité rare de pervertir tout ce qu'il touche.
L'hypnotique "Resolution" l'illustre bien avec ses griffures étranges qui le zèbrent. Mais ce n'est pas un cas isolé et même une respiration telle que "Armour" sécrète dans ses veines, un mal insidieux. Jamais, les Norvégiens ne tendent la main pour faciliter l'accès à leur univers désenchanté et décrépi. "Riddle Wants To Be" est découpé par des coups de ciseaux (faussement) anarchiques ; le lent "Where Dream And Day Collide", se veut une espèce de ballade fiévreuse et déglinguée ; "The Flesh, The Blood And The Man", est une pulsation qui ne file jamais droit, vrillée par des riffs ultra pesants, tandis que les dernières salves laissent KO debout par leurs climats remplis d'un suint malsain. Citons plus particulièrement le déchirant "Get That Monster Out Of Here" et ses va-et-vient lancinants et le terminal "The Eight Waves", longue bande désolée qui achève l'écoute comme le groupe sait toujours si bien le faire. Envoûtant, dissonant, parfois à la limite de la cacophonie mais vertigineux également, tel est Eight Ways. Tel est Madder Mortem. On peut trouver cela chiant comme la mort, sans queue ni tête et d'un intérêt contestable. Soit. Il est néanmoins aussi permis d'y voir une beauté sourde, tapie derrière cette mélancolie prégnante, qui zigzague à travers ses méandres vicieux et glauques d'où émerge un monstre sonore qui ne laissera donc personne indifférent. Plus que jamais, Madder Mortem détient une place à part, une position qu'il n'est du reste pas près de se voir contester. Un très grand disque... pour qui saura l'apprécier à sa juste valeur. Encore une fois. (2009)
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